Thursday, April 22, 2010

EMBELLISSEMENT DE NOS VILLES : AU DELA DU DECORUM

 A ce jour, ce sont plus de 100 milliards de francs CFA octroyés par le Contrat Développement Désendettement (C2D), à travers son volet contrat ville, qui ont été investis pour la rénovation des villes de Yaoundé et de douala Au-delà du décorum et selon l’approche coûts bénéfices, il importe d’en  mesurer les effets sur le plan du développement entendu comme une amélioration générale du bien-être.


Le touriste qui a visité Yaoundé et Douala il y a quelques années serait certainement surpris  de constater le coup de neuf qu’ont subi ces deux villes. Constructions de nouvelles avenues dans le périmètre urbain, aménagement des ronds points et jardins publics, disparition de plusieurs taudis, ramassage systématique des ordures et même balayage des rues.
Voies à double sens à l’entrée de la ville et reconstruction des principales routes ont redonné à la ville de Douala un peu de son lustre d’antan. Si l’état de ses routes était nettement meilleur, la ville de Yaoundé  se caractérise plutôt par une série de réalisations de prestige à l’instar du bois de bois sainte Anastasie (jardin aménagé au cœur de la ville), de l’échangeur « compliqué » du rond point de la préfecture, des travaux d’embellissement des ronds points, des trottoirs et terre-pleins

La fleur ne fait pas le développement.
.
L’impact de ces investissements massifs sur le développement socio-économique dans nos villes ne saurait uniquement s’apprécier à l’aune des travaux d’embellissement de nos métropoles. Que sert-il d’avoir des fleurs grassement arrosées si les gens meurent de pauvreté dans les rues ?
L’activisme de nos délégués du gouvernement auprès des communes urbaines et notamment pour celui de 
Yaoundé a été particulièrement visible tant elle s’est bruyamment manifestée par des casses aussi spectaculaires que cruelles, par la traque des moto taximen et autres débrouillards du périmètre urbain.
Le développement se mesure à partir des indicateurs tels que l’accès au logement, à l’éducation, aux soins de santé, à la ration journalière  minimale, etc. Or de ce point de vue, l’on peut dire que l’action de Mr TSIMI EVOUNA (délégué du gouvernement de Yaoundé) est un exemple patent de ce que l’on pourrait qualifier de d’embellissement appauvrissant dans la mesure où elle a eu un impact social négatif. Pourtant, il aurait été possible de faire autrement et mieux.

Des pouvoirs publics défaillants.

La rapidité avec laquelle sont conduit les travaux de rénovation de la ville Yaoundé témoigne du manque de perspective pluridimensionnelle de ses auteurs qui semblent n’avoir été guidés que par la sourde logique de la brique et du marteau.
Une ville est un espace de vie qui se construit sur plusieurs dimensions tout en respectant les réalités sociales culturelles et économiques des membres de la communauté. Il est clair que l’urbanisation de nos cités est allée plus vite que l’action des pouvoirs publics. De nouveaux quartiers se sont développés sans qu’aucune infrastructure n’ait été mise en place du fait de l’Etat. C’est ainsi que des marchés se sont développés, des centres de santé et des écoles ont fleuri, sans parler des terrains de football improvisés sur aires privées.
Il est clair que l’Etat camerounais a été dépassé par les évènements et les citoyens ont assumé leurs responsabilités en essayant d’organiser leurs conditions d’existence.
Et voilà qu’à la faveur des financements PPTE, censés lutter contre la pauvreté, c’est plutôt la lutte contre les pauvres qui a été menée. A titre d’exemple, la commune urbaine de Yaoundé a crée une compagnie de taxis VIP, construit une cité haut standing, plusieurs restaurants huppés (le repas à 6000 FCFA), des boutiques de luxes et de nouvelles boutiques qui se négocient à coups de millions de nos francs.
Or, le rôle d’un exécutif municipal est tout d’abord d’apporter des solutions aux problèmes que rencontrent les membres de la communauté dans leur vécu quotidien. Il s’agit de faciliter l’accès au logement notamment pour les plus démunis, de développer une politique sociale dans les domaines de la santé, de l’éducation ou du sport.

C’est la première fois de l’histoire moderne que l’on voit des services municipaux se substituer aux privés pour promouvoir des investissements lucratifs sans aucun impact social.

Des solutions intelligentes pour le  bien commun.

Pourtant des solutions existent pour peu qu’on se donne la peine de réfléchir. Il aurait ainsi été possible d’imaginer des solutions ou tout le monde aurait été gagnant. On aurait ainsi pu démolir certains ghettos situés en plein centre urbain tout en minimisant les ressentiments. Procédons à la simulation suivante. On veut démolir le quartier d’élig-edzoa  et l’on décide de dédommager les propriétaires de chaque parcelle à hauteur par exemple de 20 000 francs le mètre carré que l’on pourrait revendre à plus du double à des particuliers et opérateurs immobiliers. Ceci permettrait la reconstruction par les privés de nouveaux quartiers modernes dans le centre ville. Au même moment la commune aurait pu acquérir des terrains à coûts moindres dans la périphérie, les viabiliser pour y recaser les personnes délogées. Voilà un exemple de solution gagnant gagnant où tout le monde aurait trouvé son compte. La commune aurait vu les ghettos disparaître en y tirant des recettes, les opérateurs économiques auraient eu des opportunités d’investissements et ceux des ghettos se seraient vus offrir une chance de relancer leur vie dans un cadre amélioré.
Des solutions analogues auraient permis de construire des bibliothèques municipales, des aires de sport, et de construire des habitat sociaux et pourquoi pas d’organiser un  service de soupe populaire pour les plus pauvres. «  Aucune œuvre humaine ne peut marquer l’histoire si elle ne met l’homme au centre de ses préoccupations » Les fleurs, le béton et le macadam n’y arriveront pas.

FRANCIS BIDJOCKA