Tuesday, January 11, 2011

LES CHIFFRES QUI ACCABLENT LE CAMP GBAGBO.




Le scénario catastrophe tant redouté à l’issue du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire est en train de se réaliser devant les yeux d’une communauté nationale et internationale en état de choc. Ainsi, les engagements d’acceptation des résultats proclamés par les instances appropriées n’ont pas été tenus par les deux protagonistes, et pour cause, l’un des camps a triché, agissant traîtreusement.


Un coup bien préparé.
Dès son premier discours de campagne du deuxième tour de la présidentielle ivoirienne, Laurent Kodou Gbagbo donnait le ton en disant qu’il n’accepterait jamais que ceux qui ont organisé les coups d’état puissent accéder au pouvoir. Ce type de déclarations multipliées par le camp présidentiel laissait planer une menace sur la possibilité de non acceptation des résultats du scrutin s’il s’avérait que le candidat Ouattara en fut le vainqueur. Ainsi lors du face à face Alassane Ouattara n’avait de cesse de demander au président Gbagbo de s’engager à respecter les résultats proclamés par la CEI. A peine y consentait-il qu’il proclame à la surprise générale l’annonce d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire. Dès le lendemain des élections, les porte-parole du président Gbagbo multipliaient les déclarations tendant à remettre en cause les résultats éventuellement produits par la CEI. Le passage à l’acte s’est traduit par des violences publiques sur la personne de Youssouf Bakayoko, le président de la CEI et par le déguerpissement manu militari des journalistes présents sur la scène.

La course contre la montre.

Il aura fallu toute la détermination du représentant des nations unies, Yong Jin Choi, ainsi que celles du premier ministre Guillaume Soro pour faire proclamer in extremis les résultats provisoires par le président de la CEI un jour après le délai de trois jours a lui alloué. Dès lors le temps était tellement compté pour le conseil constitutionnel qu’il allait évacuer le  volumineux contentieux électoral en tout juste trois heures et proclamer dans la foulée des résultats diamétralement opposés à ceux de la CEI. Comment expliquer que le conseil constitutionnel n’ait pas pris plus de temps (elle dispose d’un délai de 7 jours) pour examiner les nombreux recours introduits par le camp présidentiel, et comment comprendre qu’elle ait entrepris d’annuler les scrutins dans sept départements sur la seule base de dénonciations et rapports d’auditions, sans tenir compte des rapports des multiples observateurs nationaux et internationaux. Il faut même relever que le conseil constitutionnel a pris moins de temps pour statuer sur les recours du premier tour (introduits par Konan Bédié) que sur ceux ayant privés plus de 500 000 citoyens ivoiriens de leur droit de vote. En effet le conseil constitutionnel a attendu le Samedi soit 6 jours après le scrutin pour valider les résultats  en déclarant par la bouche de Paul Yao N'Dre, son président, que :"Les procès verbaux ne relèvent aucune irrégularité de nature à endommager la sincérité du scrutin et à affecter les résultats d'ensemble ».
Or dans le cas des recours formulés par le camp présidentiels, il n’était plus question de statuer sur la base des procès verbaux mais sur les accusations non attestées sur le plan juridique. Seulement, aucun crime n’est parfait, surtout s’il est exécuté en si peu de temps. Dans leur précipitation, et peut être à cause de leur formation  littéraire,  les « augustes magistrats » du CC ont commis de flagrantes erreurs de calcul sur lesquelles personnes ne s’est jusqu’alors appesanti.

De grossières erreurs de Calcul.

En effectuant ses calculs, le conseil constitutionnel a commis une erreur de calcul monumentale. Selon les chiffres transmis par la commission électorale indépendante le taux de participation se situait à près de 73% soit 4 076 680 suffrages exprimés. Après avoir annulé les suffrages dans 7 départements représentant 13% des suffrages exprimés soit exactement 530 485 voix, le nombre de votants aurait dû descendre à 3 546 195 et non à 3 993 209 tels que présentés par le conseil constitutionnel. Il s’avère donc qu’il y a 447 014 voix de trop dans les chiffres transmis par le CC. Le tableau ci-dessous met en évidence l’incohérence des résultas produits du conseil constitutionnel.

Suffrages
exprimés
Résultats 
provisoires 
de la CEI
Voix annulées par le CC
Résultats 
erronés 
mal 
calculés 
par le CC
Résultats
du CC
 corrigés
par la rédaction
Gbagbo
1 877 088
(46%)
45 033
 (1.11%)
2 054 537 
(51,45%)
1 832 055
(51.66%)
Ouattara
2 199 592
(54%)
485 452
 (11.89%)
1 938 672
(48,55%)
1 714 140
(48.33%)
Total
4 076 688
(100%)
530 485
(13%)
3 993 209
 (100%)
3 546 195
(100%)

Les tableaux ci-dessous présentent les résultas obtenus par les différentes parties dans les sept départements (appartenant aux régions des savanes, de la Vallée du bandama et du Wordougou) dont les votes ont été annulés. L’analyse des résultats non contestés dans les dites régions au premier tour  montrent que le score obtenu par Alassane Ouattara lui assure une victoire confortable au second tour même si toutes les voix du candidat Bédié était octroyées à Mr Gbagbo.


Résultats obtenus dans les régions contestées au premier tour.
Région
BEDIE
GBAGBO OUATTARRA

Savanes
4 ,92 %
6,50 %
85,90 %
Vallée du Bandama
38,56 %
9,41 %
49 ,85 %
Worodougou
4,12 %
6,94 %
87,13 %
Localité
Ouattara
Gbagbo
Ferkessedougou
97.31 %
3.29 %
Katiola
86.33 %
13.66 %
Boundiali
89.69 %
10.31 %
Dabakala
95.02 %
4.98 %
Séguéla
95.6 %
4.4 %
Bouaké
75.71 %
24.29 %
Korogho
96.42 %
3.57 %
Total
91.51 %
8.48 %

Résultats obtenus dans les régions contestées au second tour.



  








La vérité finit toujours par triompher.

Le débat sur la légitimité ou la légalité entre les  différents présidents de la Côte d’ivoire a ici été tranché par les chiffres et ceux-ci n’admettent pas de débats juste des démonstrations. Un plus un ne feront toujours que deux et c’est indiscutable ! Le maître Jésus Christ a dit :  « Si le sel perd sa saveur, avec quoi le lui rendra t-on ? Il n’est bon qu’à être jeté dehors et être foulé au pied. » Lorsqu’un sait la probité, l’intégrité, l’honorabilité et l’impartialité dont font preuve les membres du conseil constitutionnel ailleurs dans le monde, il y a l’extérieur du continent, une forte tentation  de mépriser l’Afrique et les africains qui doivent enfin comprendre que « une bonne réputation vaut mieux que de l’or ». Elle ne se décrète pas, elle se mérite et elle s’impose à tous sans tambour ni trompette. 

 Méditons y !

Francis Bidjocka.

Publié dans le Journal La symbiose.









Monday, January 10, 2011

ET SI YVES MICHEL FOTSO N'ETAIT PAS CONDAMNABLE ?


Confronté à l’échec successif de ses différents managers, le président Biya décidera en juin 2000 d’abattre un nouveau joker en nommant à la tête de la Camair Yves Michel fotso, fils et gérant du groupe d’entreprises appartenant au milliardaire Fotso Victor. En procédant de la sorte, Paul Biya tente le pari de confier à un homme d’affaires la gestion d’une entreprise publique en situation de crise. La suite de ces évènements qui semblaient tenir de la success story va tourner au drame avec à la clé une succession de scandales politico-financiers ayant abouti à l’arrestation de Yves Michel Fotso et à la fragilisation de son groupe qui est un des fleurons de l’économie camerounaise. Comment en est-on arrivé là ?


La frénésie médiatique qui a accompagné l’arrestation de l’ex-directeur général de la défunte CAMAIR n’a eu d’égal que l’émoi ressenti par une grande partie de l’opinion publique. La question consiste à savoir si Yves Michel FOTSO est victime d’une cabale ou s’il est commis des malversations dans le cadre de l’Affaire Albatros. Au-delà des faits sensés l’incriminer ou le disculper, il est loisible de démontrer que cette affaire résulte de la légèreté coupable dont ont fait preuve les responsables au plus haut niveau de l’Etat.

Des termes de références flous.

Qui est YMF.

Au moment de sa nomination, YMF est le PDG du groupe Fosto comportant plusieurs entreprises parmi lesquelles SAFCA, UNALOR, PILCAM et la CBC BANK pour ne citer que celles-là. Il est âgé  de .. ans, marié père de .. enfants. Il est diplômé de l’université de .. aux Etats-Unis. Le profil de l’homme est flatteur, mis ne manque pas cependant de failles. En effet, il n’a travaillé que dans l’entreprise familiale et rien ne peut présumer de sa capacité à s’imposer dans un secteur public où le pouvoir ne se mesure pas en terme d’épaisseur du portefeuille ; d’autre part, il n’a pas une grande expérience ni de la gestion d’entreprise en difficulté ni de la gestion dans le secteur de l’aéronautique. Toutefois il semble avoir au moins autant d’atouts que ses prédécesseurs.

Une mission aux contours mal définis.

Il apparaît selon toute vraisemblance que le chef de l’Etat a voulu voir YMF appliquer les méthodes du privé à la résolution des problèmes d’une entreprise publique destinée à une privatisation certaine, ne serait-ce que dans sa gestion quotidienne. Si l’idée est louable dans le fond, elle est moins pertinente dans la forme. En effet, lorsque l’on confie ce genre de mandat à un privé, il faut lui établir un contrat précisant ses missions et surtout l’étendue de ses pouvoirs. Il aurait fallu préciser dans les termes de référence sa mission, c’est-à-dire le type de procédures qu’il devait appliquer,  concernant notamment les transactions avec les prestataires et fournisseurs (système complexe et réglementé des marchés publics ou systèmes des commandes privées plus simples mais plus partial), les procédures financières directes du privées ou celles du public soumises au visa de l’agent comptable, du contrôleur financier et éventuellement de la tutelle). Plus alarmant encore, il apparaît que personne n’a posé le problème pourtant apparent du conflit d’intérêt, ne serait que de la disponibilité en temps qui risquait de se poser entre ses activités de DG de la CAMAIR et du groupe Fosto dont il restait le manager.

De coupables négligences.

La suite de l’histoire montre que YMF a géré la CAMAIR comme un des démembrements du groupe Fotso, et pour cause, il en était un des financiers pour ne pas dire un des actionnaires puisqu’il siégeait au conseil d’administration. Ces agissements ont été menés de façon publique puisqu’on a eu droit à des explications sur les plateaux de chaîne nationale où l’on a pu voir YMF expliquer comment il utilisait l’argent, le poids et la crédibilité du groupe Fosto pour garantir et cautionner les opérations de la CAMAIR. De plus tous les comptes de la CAMAIR étaient logés à la CBC Bank, les comptables et autres experts du groupe y ayant par ailleurs installés leurs quartiers. Or toutes ces opérations constituent des manquements graves aux procédures et règles de gestion tant du public que du privé et ceci notamment en matière de gestion bancaire (règles de la COBAC).

Cette situation a prospéré tant et si bien que la haute hiérarchie, fort des succès enregistrés par YMF vont décider d’accroître ses missions en lui confiant la maîtrise d’œuvre de l’achat d’un avion pour le compte de la présidence de la république. C’est ainsi que les milliards qui manquait pour la restructuration et la remise à flot de la société vont subitement sortir du tel un lapin dans le chapeau  du prestidigitateur. C’est ainsi que près de 24 milliards de francs CFA  seront transférés par la SNH sur les comptes de la CAMAIR domiciliés à la CBC Bank en acompte pour la fabrication par la société Boeing d’un avion dont le coup total s’élevait à environ 52 milliards de francs CFA.

L’origine des problèmes.

C’est le FMI et la Banque mondiale (toujours les étrangers) qui viendront tirer la sonnette d’alarme. Ces derniers s’opposent à ce que le chef de l’Etat puisse acquérir un avion aussi coûteux alors que le pays est sous ajustement structurel. Ils menacent de bloquer les programmes en cours. La partie camerounaise s’incline officiellement et adopte une stratégie typiquement camerounaise de contournement des règles qui va la conduire à imaginer des solutions abracadabrantesques. Et c’est à YMF que l’on va demander de masquer cette opération en s’abritant  derrière des sociétés écrans. Or qui dit sociétés écrans dit malversations financières, paradis fiscaux, blanchiment d’argent, revenus occultes, etc. A tout cela s’ajoute le jeu des éléphants et autres barons qui se succèdent à la présidence de la république, chacun y allant de son influence, des ses sensibilités et des ses intérêts. Voilà comment la vache malade qu’était la Camair va se voir téter non plus son lait, mais son sang.

Des conséquences politico-financières incalculables

Les conséquences ont été à la mesure de l’échec et du manque d’inspiration qui a caractérisé la nomination de YMF. De toute façon il faut dire qu’en la matière, le chef de l’Etat a souvent eu la main malheureuse en termes de choix des collaborateurs, même s’il en a été autrement dans domaines comme le football. Le premier a en subir les effets a été bien sûr (à tout seigneur tout honneur), Mr Paul BIYA qui a expérimenté une des plus grosses frayeurs de sa vie après avoir risqué d’y périr avec femme et enfants. S’il en a été ainsi pour le bois vert, paraphrasant ici Jésus Christ, qu’en a-t-il été du bois sec ? Eh bien il a été paisiblement ramassé, collecté et mis au feu de la geôle de Kondengui, alimentée périodiquement par un nouvel apport de bois dont YMF n’est pas le dernier. Au-delà du fâcheux incident survenu dans l’albatros, que reproche t-on aux protagonistes de cette affaire et notamment à YMF ?

Des opérations financières douteuses.

Il ressort de toute la complexité de ces dossiers tels qu’ont pu les mettre en les rapports  produits ça et là par des cabinets de consultants recrutés, au vu des investigations et enquêtes menées par la presse ainsi qu’à l’analyse des procédures judiciaires en cours tant au Cameroun qu’en Suisse et aux états unis, que les opérations menées par YMF dans le cadre de la gestion de la camair et de l’achat de l’Albatros ne sont pas au dessus de tout soupçon. Toutefois, il est évident que la manifestation de la vérité dans ce type d’affaire demande beaucoup de temps et d’expertise. Si les faits dont on accuse les autres personnes incarcérées dans la cadre de ce dossier sont moins bien cernées, il n’en reste pas moins vrai son passage à la CAMAIR lui a ouvert les portes de la finance et de la spéculation financière internationale qui a donné une nouvelle dimension à ses activités. L’homme d’affaires ne s’effacera jamais devant sa casquette d’agent public.Moralité : « on ne saurait demander à un loup de veiller sur une bergerie sans qu’il prenne un peu plus d’embonpoint ». Toutefois de nombreux arguments militent en sa faveur.


Pourquoi YMF ne devrait-il pas être condamné.

Premièrement, il n’avait demandé à personne de venir le chercher là où il se trouvait dans le Groupe Fotso, occupé à agrandir l’empire que lui a laissé son père (il faut remarquer qu’entretemps le groupe Afriland l’a quasiment surpassé et que son implantation internationale a été brutalement freinée).

Deuxièmement, on ne lui a pas demandé de se défaire de ses autres responsabilités de dirigeants d’entreprises afin d’éviter les conflits d’intérêts. On ne l’a pas non plus empêché d’utiliser l’argent de son groupe pour financer les opérations de la Camair afin d’éviter les prises illégales d’intérêts, la concussion, etc.
Troisièmement, on lui a confié l’achat de l’avion présidentiel ce qui ne fait pas normalement partie des missions d’une compagnie de transport aérienne fut-elle nationale ? On a jamais sollicité de telles missions quant il s’agit des véhicules présidentiels. C’est aux services de la présidence qu’il appartenait de le faire, selon les lois et règlements relatifs à la commande publique.

Quatrièmement, on lui a demandé de se livrer à des montages financiers occultes pour le compte de la présidence ce qui n’était pas non plus son rôle. C’est aux services secrets de monter des opérations que l’on pourrait classer dans le cadre de la souveraineté nationale. Cela aurait évité d’étaler sur la place publique ce type de dossier qui n’honore pas le Cameroun.

En conclusion, il apparaît donc clairement que c’est au chef de l’Etat et à tous ses collaborateurs concernés qu’il appartient de rendre des comptes et de dire pourquoi ils ont confié à un hommes d’affaires la gestion d’une entreprise publique sensible, sans en définir des termes de références en adéquation avec l’orthodoxie des finances publiques tels qu’enseignée à l’ENAM. Il faudrait aussi expliquer pourquoi lui avoir confié des missions occultes qui ne cadraient pas avec son statut de privé. Cette affaire Albatros traduit simplement un sérieux problème de gouvernance qui affectent tous les pans de notre administration et donnent accès à tous genre d’affairisme. Vivement de la rigueur dans la gestion  de la chose publique.

Francis Bidjocka

Publié dans le journal La Symbiose