Pour
analyser les conditions de réussite de la Cameroon rural financial
corproation (Carfic), la toute nouvelle banque agricole que vient de
créer le gouvernement, nous avons interrogé Mr LUNGA Dieudonné, un
ingénieur agronome spécialisé dans l’étude et le montage des projets
agricoles.
Le gouvernement vient de créer la CARFIC, quel regard portez-vous sur la pérennité de cette structure ?
La
nouvelle Banque agricole court le risque atavique d’être victime de la
mauvaise gestion. Un bref aperçu rétrospectif nous permet de constater
que le financement du monde rural avait été prévu dans le cadre des
plusieurs lignes de financement à l’instar des fonds PPTE, des fonds en
provenance de l’union européenne, l’USAID, la BM, etc. Il faut préciser
que les montants de ces financements étaient de loin supérieurs à ceux
prévus dans le cadre présent. Le bilan de ces financements s’est avéré
largement négatif du fait que l’allocation des subventions qui n’était
pas objective, l’argent n’étant pas octroyé à ceux qui en avaient le
plus besoin. En outre, l’on a relevé que plus de 40% de ces fonds ont
été dépensés en frais administratifs (frais de siège, véhicules, frais
de mission, etc.).
Cela
étant dit, la CARFIC est une bonne initiative en soi, mais le problème
va se poser au niveau de l’attribution des crédits qui doivent être
différentes de celles des banques classiques, dans la mesure où les
acteurs du monde rural n’ont que peu de garanties à offrir. Il faut
donc prévoir des mécanismes qui n’exigent pas trop de garanties tout en
garantissant permettent un taux de recouvrement acceptable.
Quelles sont donc les conditions de la réussite de la CARFIC?
C’est
une question de méthodologie. La meilleure approche consisterait
premièrement à disposer sur le plan local d’experts compétents capables
de monter des projets bancables (études de faisabilité, business plan).
Deuxièmement il faut que les banques et les établissements de
microfinance où sont logés les comptes des demandeurs soient également
pourvus d’experts en capacité d’analyse des projets agricoles. Troisièmement
ce sont les banques commerciales qui vont soumettre les projets à la
banque agricole pour validation et financement. Il s’agit donc d’une
méthodologie en trois étapes qui implique des consultants et des
banquiers compétents avant de soumettre tout projet au financement. De
plus il faudra exiger un accompagnement, c’est-à-dire une assistance
technique des bénéficiaires par les consultants et sous le contrôle des
banquiers chargés du recouvrement.
Existe-t-il
à votre sens suffisamment de compétences pour mener à bien ces
différentes missions, et sinon comment pourrait-on y remédier ?
A
priori, l’on peut répondre par l’affirmative au regard des diplômés en
agronomie, finance, montage et suivi des projets qui sont formés dans
les différentes institutions universitaires camerounais. Toutefois,
pour une meilleure garantie, il conviendrait d’accorder des agréments à
des experts ou à des cabinets après les avoir évalués et éventuellement
formés (séminaires, stages).
Cette démarche méthodologique ne risque-t-elle pas d’alourdir les coûts pour les agriculteurs ?
Pas
nécessairement. Il s’agira déjà pour les agriculteurs de payer des
frais d’ouverture du dossier, lesquels seront proportionnelle à la
taille du projet. Eventuellement, les honoraires des consultants
pourraient être pris en charge par la banque agricole, ce qui lui
permettra de réduire la taille de son personnel, ce qui sera une source
d’économies.
Entretien réalisé par Francis BIDJOCKA.
Article publié en juin 2011 dans le journal LA SYMBIOSE