Thursday, November 10, 2011

REPONSE A GUY PARFAIT SONGUE SUR LES EGLISES DE REVEIL



Lors de ses récentes interventions médiatiques, le politologue Guy Parfait SONGUE, énumérant les différents maux dont souffre le Cameroun, s’est violemment attaqué aux églises dites « réveillées », les accusant d’être dit-il : « à l’origine de la destruction du lien social et familial ». Selon ses dires, les églises réveillées demanderaient à leurs ouailles de renier tous les membres « incroyants » de leurs familles. La légèreté et l’intolérance qui transparaît de ces accusations étonne de la part d’un intellectuel dont l’audience et l’influence ne cesse de grandir tant au plan national qu’international. Il nous semble judicieux et ce dans un souci pédagogique, d’éclairer l’éminent politologue sur l’impact des églises « réveillées » sur la marche de la société prise dans son ensemble.

Si l’on peut faire de nombreux reproches aux « églises réveillées », parmi lesquels une certaine propension au bruit, un rapport complexe à l’argent et un recours méfiant à la médecine humaine, il est en revanche risqué de se prononcer sur le caractère négatif de leur rôle social.
Une église de réveil (ou église réveillée ou église pentecôtiste) est une église chrétienne évangélique et fondamentaliste en ceci qu’elle prône une application stricte et sans divergence de la doctrine et de la vie de l’église primitive telle qu’enseignée par la bible et rien que par la bible. Une des caractéristiques les plus marquantes des églises « réveillées », par opposition aux églises « mortes », tient au rôle et à la place du Saint Esprit dans la vie de l’église et du chrétien. Et celle-ci doit être conforme à la manifestation et à l’exercice des dons et ministères du Saint Esprit. Cette tradition remonte au jour de la pentecôte pendant laquelle les disciples de jésus Christ ont reçu l’effusion du Saint esprit et se sont mis à parler en diverses langues. De plus, le caractère surnaturel de la présence du saint Esprit doit nécessairement s’accompagner d’un processus de constante sanctification du corps et de l’esprit, entraînant donc pour le chrétien un rejet de toute espèce de mal tant spirituel que physique.
La bible déclare dans le livre d’Ephésiens 5:11 : « Ne prenez point part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt, condamnez les ! » Et dans le livre de 2 Corinthiens 6 :14 : « Ne formez pas avec les incroyants un attelage mal assorti ; en effet quelle association y a-t-il entre la lumière et les ténèbres entre Dieu et Satan ?  ou encore dans 1 Corinthiens 15:33  il est dit que : « les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs ». Monsieur SONGUE, dans votre intervention télévisée à la CRTV, vous vous êtes clairement démarqué et mais vous avez dénoncé un certain nombre de tares et de maux que l’on observe dans notre société en général, parmi lesquels vous ranger les églises de réveil. Or je suis heureux de savoir que d’une certaine façon vous en faites partie, du moins dans vos méthodes et moyens d’action. Ne vous a-t-on pas vu prendre votre bâton de pèlerin pour prêcher la bonne nouvelle urbi et orbi ? Vous êtes un consultant attitré auprès des chaînes internationales telles RFI et Africa 24 sans parler des télés et radios locales. Vos critiques heurtent la sensibilité de plus d’un et ont certainement dû vous valoir des mésententes voire des ruptures avec certains de vos amis, parents et relations. Est-ce pour cela vous méritez d’être considéré comme un facteur de destruction du lien social ou familial ? Que non ! Si le fait de dénoncer le mal et de dire la vérité peut être considéré comme louable au sens de l’intérêt social, alors je dirais que les églises de réveil mériteraient d’être encouragées.

Le rôle positif des « églises réveillées ».
Les maux dont souffre notre société et que condamnent les églises réveillées sont: la corruption, le mensonge, le vol, l’adultère, la jalousie, la sorcellerie, l’homosexualité, le meurtre, la désobéissance aux parents, etc. Vous conviendrez avec nous qu’une église qui prône de telles valeurs est très utile à un pays. Les fidèles adeptes de ces églises ne seront jamais incriminés dans des affaires de corruption, de fraude, de détournement des biens, de viol, d’avortement ou de transmission de IST, d’adultère, de sorcellerie et autres. L’on a vu quasiment toutes les églises de réveil engager des mouvements de prière avec jeûnes pendant de longs mois afin de prévenir tout désordre et violence électorale et post électoral. Cela mérite d’être relevé et encouragé, car il n’est pas juste de ne prendre la parole que pour dénoncer la paille dans l’œil du prochain. Il est donc clair que si le Cameroun tout entier pouvait se convertir aux églises de réveil, l’Etat n’aurait plus qu’à fermer la CONAC, le Contrôle Supérieur de l’Etat, les cellules de luttes contre la corruption, les comités de luttes contre le SIDA, contre l’alcoolisme, le tabagisme, etc. Les camerounais n’auraient plus peur de se rendre dans leurs villages, de concourir pour des postes administratifs, des marchés publics à cause d’une confiance et d’une sérénité retrouvée. En tant que politologue, vous avez certainement du lire l’ouvrage de Max WEBER intitulé : Les sectes protestantes et l’esprit du CAPITALISME (1906) dont je vous ai sélectionné un florilège[1] en bas de page.
En définitive nous espérons avoir éclairé la lanterne du Dr SONGUE en lui indiquant que le bruit des églises vaut mieux que celui des bars qui prolifèrent dans nos villes, que les nuits de prières font plus de bien que les invocations dans les sanctuaires, sanctums et loges ésotériques. Enfin il convient de clamer que la distance qui se crée souvent entre les chrétiens et les incroyants très souvent le fait des mesures de rétorsion infligées par la famille pour faire pression amener les nouveaux convertis à abandonner leur foi. Les églises réveillées suivant l’enseignement du Christ prône un amour sans condition du prochain y compris ceux qui se considèrent comme leurs ennemis. Toutefois amour, sollicitude et devoir d’assistance doivent s’accompagner de caractère et de fermeté afin que le sentimentalisme ne nous rende captif des chaînes de l’esclavage du péché et du mal.
Cher Maître, nous pensons avoir contribué à vous édifier sur une question dont nous croyons avoir une connaissance et une expérience certaine. Que Dieu vous bénisse.

Francis BIDJOCKA
Publié sur le blog Le Vigilant (www.intelligentsiafrica.blogger.com)




[1] « … aux États-Unis, le fait d'appartenir à une communauté religieuse comporte des charges financières incomparablement plus lourdes qu'en quelque partie que ce soit de l'Allemagne, pour les pauvres surtout. »

« tandis que les autorités américaines, comme nous l'avons dit, ne posaient jamais la question de l'appartenance confessionnelle, celle-ci était presque toujours en cause dans la vie sociale ou professionnelle, lesquelles dépendent de relations durables et de la bonne réputation. Pourquoi ? »
Au cours d'un long voyage par chemin de fer … l'auteur de ces lignes, se trouvant dans le même compartiment qu'un représentant, fit incidemment état du sentiment religieux dont la force demeurait encore impressionnante. A quoi le voyageur de commerce répliqua : « Monsieur, je pense que chacun peut croire ou ne pas croire ce qu'il lui plaît. Pourtant, si je rencontre un fermier ou un commerçant qui n'appartient à aucune Église, je ne lui fais pas crédit de 50 cents. Qu'est-ce qui  pourrait l'inciter à me payer s'il ne croit absolument à rien? (Why pay me, if lie doesn't believe in anything?) »

« Il ne faut cependant pas perdre de vue que, même en Amérique, sans la diffusion universelle des qualités et des principes de conduite méthodique observés par ces communautés, le capitalisme ne serait pas aujourd'hui ce qu'il est. »
« Dans le passé et jusque de nos jours, l'un des caractères spécifiques de la démocratie américaine fut, précisément, qu'elle n'était pas un informe tas de sable, [un agrégat] d'indi­vidus, mais qu'elle constituait un enchevêtrement d'associations rigoureusement exclusives, et volontaires. »
« C'est la communauté religieuse qui déterminait l'admission ou la non-admission à la pleine citoyenneté politique [1]. Elle en décidait selon que l'individu avait prouvé [Bewährung] ou non sa qualification religieuse par sa conduite, comme ce fut le cas parmi toutes les sectes puritaines au sens large du terme. »

« L'énorme importance sociale de l'admission à la pleine jouissance des droits dans les communautés sectaires, en particulier l'admission à la sainte cène, agissait dans le sens d'une discipline ascétique de la profession, adéquate au capitalisme moderne à son origine. »
« Pour le puritanisme, cette Conduite était un mode de vie déterminé de façon méthodique et rationnelle, lequel - dans des conditions données - a frayé la voie à l' « esprit » du capitalisme moderne. »

Saturday, October 8, 2011

EXAMENS SCOLAIRES 2011 : MENTION PITIE POUR LE MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRES.


Le faible taux de réussite (environ 30% au Baccalauréat et au Probatoire et 50% au BEPC) enregistré aux examens officiels cette année traduit simplement le niveau de performance d’un système éducatif camerounais en détresse, englué dans la mal gouvernance et n’arrivant plus à définir ses visions, buts et objectifs. Une analyse des causes de l’échec scolaire nous permettra d’évaluer le système éducatif camerounais.



La mystification du diplôme.

Le fort taux d’échec aux examens officiels au Cameroun est une tradition qui date de l’ère coloniale où il était question de restreindre l’accès à l’instruction diplômante « afin de ne pas augmenter de façon imprudente le nombre déjà trop élevé de candidats à des emplois qui ne peuvent être pourvus ». Cette politique coloniale a été reprise et même formalisée sous le magistère de M. Adamou NDAM NJOYA, alors ministre de l’éducation nationale. Celui-ci avait alors durci les conditions d’obtention des diplômes avec l’instauration des notes éliminatoires, la suspension (la colle) aux examens en cas de notes inférieures à 5/20, et la restriction de l’accès à l’enseignement supérieur aux étudiants brillants et âgés de moins de 25 ans. Et même à l’université, l’échec restait sévèrement sanctionné. Si ce système a eu le mérite de tirer vers le haut le niveau scolaire et faciliter l’emploi aux détenteurs de diplômes, il n’a fait que renforcer l’élitisme voulu par le colon et détourner le système éducatif de sa vraie mission qui est de former une population capable de s’assumer elle-même et faire face aux impératifs du développement économique.

Au lieu de cela l’école camerounaise est restée dans la mentalité de ses administrateurs et enseignants le lieu de la sélection naturelle, le lieu de la mystification du savoir. Cette déviance pédagogique justifie cette note du Pr Peter Ndumbe, alors doyen de la faculté de médécine (CUSS) où il rappelait fort à propos que : « l’examen vise à évaluer le niveau de l’étudiant, non à l’invalider ». Dans lycées et collèges, c’est une fierté pour l’enseignant de composer des épreuves où aucun élève n’a obtenu la moyenne et c’est un scandale au Cameroun si une épreuve d’examen est similaire à un cas traité au cours de l’année. Cette attitude a pour conséquence le désintérêt pour certaines matières et le manque de confiance pour les élèves qui se croient fatalement « bêtes ».



Des facteurs d’échec du système

Ce flou dans le positionnement du système éducatif camerounais entraîne de grandes dérives tant dans la définition des programmes d’enseignements que dans la planification des moyens alloués à ces objectifs conformément à l’adage selon lequel : « point de vent favorable pour qui ne sait où il va ».

Les programmes d’enseignements sont encore fortement teintés des accords de coopération avec les anciennes puissances coloniales auxquelles on continue à tenir mordicus. Sinon comment expliquer que cinquante ans après les indépendances, nous continuions d’avoir deux systèmes éducatifs alors que les emplois offerts restent les mêmes. Il est temps de faire la preuve de notre indépendance, car ce sont de tels facteurs qui font le lit de la division et des velléités séparatistes.

D’autre part, il est absolument incompréhensible qu’un pays agricole continue de produire des milliers de diplômes dont aucun n’a de lien avec le monde rural. Au moins aurait-on pu innover en insérant dans les programmes classiques des options pratiques et professionnelles. Ainsi, les cours de sciences naturelles comporteraient des enseignements agricoles ou de médecine. Un tel système permettrait de produire des aides soignants au niveau du BEPC et des infirmiers brevetés dès l’obtention du Bac, le tout étant complété par des stages professionnels annuels. Pour toutes les autres séries générales, il en serait de même pour produire des techniciens agricoles, des secrétaires informatiques, des techniciens de maintenance informatique, des cuisiniers, hôteliers, etc. En fait, il s’agira pour chaque élève au secondaire d’avoir en option un cours technique ou artisanal pratique. Afin de s’assurer qu’à l’obtention du moindre diplôme soit associé à un savoir-faire concret.

Un autre facteur explicatif de l’échec scolaire est les conditions matérielles dans lesquelles se déroulent les enseignements. Certaines écoles primaires à cycle complet n’ont pour seuls enseignants que leur directeur. Il ya des collèges où il n’y a pas d’enseignants dans certaines matières. La moyenne des effectifs est supérieure à 100 élèves par classe. Le gouvernement ne cesse de jouer au chat et à la souris avec les milliers d’instituteurs vacataires dont plusieurs sont obligés de travailler en bénévoles pour espérer un jour être contractualisés, ce en violation de toute réglementation sur le travail.

On se retrouve donc avec des enseignants mécontents, démotivés, sans vocation et souvent mal formés dans un système oppressif qu’ils vont inconsciemment ou non pérenniser. L’évaluation ne se limité plus qu’aux séquences (5 par an). Finies les interrogations inopinées, les évaluations in vivo, les corrections de cahiers et la disponibilité de l’enseignant souvent reparti vers les métropoles. Il n’est donc pas rare de voir les enseignants impliqués dans la corruption, certains allant jusqu’à marchander les notes. Inutile d’aborder les aspects liés au droit de cuissage qui s’est imposé comme le dénominateur commun à la gent masculine qui la considère comme un avantage du métier et pis comme un droit.

Du côté des demandeurs les torts ne manquent pas. La démission de nombreux parents face au suivi de leurs enfants, aux coûts des frais d’écolage, de fournitures et d’entretien est parfois justifiée. Sinon ailleurs la défection est évidente ; plus occupés à jouir des moindres plaisirs que leur procure la vie, nombreux sont les parents qui se disent qu’après tout à quoi bon se donner toute cette peine.

Les élèves quant à eux sont inquiétants à plus d’un titre, totalement désorientés au confluent de tous ces dysfonctionnements, ils ont trouvé leur voie tant dans les plaisirs de la jeunesse que dans les tares des adultes. En plus de s’abrutir avec les séries télévisées, ils jouent, ils s’amusent et ils se dépravent. Malgré la présence du HIV, fréquentes sont les grossesses assumées à défaut d’être désirées, le taux de virginité au plus bas étant à rechercher de plus en plus bas. L’attitude la plus illustrative de la mentalité de nos jeunes scolaires est le rituel qu’ils observent à la fin de chaque examen. On voit ainsi des élèves en train de fêter à l’alcoolisé, non la réussite au BEPC, mais la fin de la composition. L’essentiel n’est-il donc pas de participer ?



Evaluation des pertes et pistes de solutions

Au-delà de toute cette analyse il y a une question : « à qui profite le crime ». Pour une fois à personne si ce n’est aux démons du sous-développement et de la médiocrité qui tiennent nos états bananiers. En effet, l’Etat, c’est-à-dire le contribuable, alloue la plus grande part de son revenu à l’éducation de la jeunesse. L’Etat dépense plus de 187 150 milliards pour l’enseignement secondaire et 144 382 milliards pour l’éducation de base soit un montant cumulé de 331 532 milliards de francs CFA soit plus de 21% du budget de l’exercice 2011. L’impact d’un taux d’échec de 60 % aux examens signifie simplement une perte de budget du même ordre, soit 112 290 milliards F CFA par an uniquement pour le secondaire. A cette somme il faut ajouter les coûts supportés par les parents et l’estimation des pertes de revenus futurs des élèves, car c’est bien une année de leur vie qui se perd.

La première et la plus fondamentale des solutions est de mettre sur pied un système éducatif endogène qui sans se couper des canons universels, doit se définir par rapport à nos besoins, à notre contexte et à nos moyens. C’est un système qui doit rentabiliser au mieux l’investissement consenti, produisant pour le marché de l’emploi des personnes exploitables et non des diplômés incapables d’exploiter le dixième de la formation reçue. Il faut réformer la mentalité de l’évaluateur qui doit être sanctionné s’il n’est pas capable de former des élèves ayant le niveau de l’examen. Il est hors de question de penser que les pays comme la France qui ont des forts taux de réussite ont des élèves plus intelligents. Il faut éviter de faire du saupoudrage notamment dans les petites classes où l’on ne comprend pas que l’école primaire atteigne des scores de quasiment 100% au CEPE, en totale contradiction avec le niveau de certains élèves. Il faut donc mettre l’accent sur la base. D’un autre côté il est incompréhensible d’obtenir des taux de 30% au Bac alors que ces élèves sont sensés avoir le niveau de la classe étant donné le tamis exercé par le probatoire. Vivement de vrais états généraux de l’éducation !



Francis BIDJOCKA





Saturday, February 12, 2011

LA MIRAP POURRA-T’ELLE EMPÊCHER LES EMEUTES DE LA FAIM ?



C’est dans le cadre de la lutte contre la vie chère engagée au lendemain des émeutes de la faim de février 2008 que le président Paul Biya vient de décider la création de la MIRAP. Peut-elle réussir sa mission ?


La Mission de Régulation des Approvisionnements des Produits de grande consommation (MIRAP) a été crée par décret présidentiel le 1er février 2011 avec pour mission principale de garantir le ravitaillement des marchés camerounais en produits de première nécessité, par l’importation, l’achat et le stockage. La création de cet organisme a suscité de vives réactions de la part de leaders des mouvements de défense des agriculteurs à l’instar de Bernard Njonga, le président l’Association de défense des intérêts collectifs (Acdic) et par ailleurs porte-parole de la Coalition souveraineté alimentaire du Cameroun (Cosac). Ce dernier s’est notamment indigné de ce que cette mesure vienne en contradiction au discours du comice d’ Ebolowa où le chef de l’Etat avait annoncé un train de mesures destinées à renforcer la souveraineté alimentaire du Cameroun afin de réduire le volume trop important des importations agricoles. Or la mission première de la MIRAP est d’assurer l’approvisionnement des marchés en denrées de premières nécessité à l’instar de du riz, du poisson, de la farine de blé, du sucre et de l’huile pour ne citer que les principales. Seulement, il se trouve la quasi-totalité de ces denrées est importée. Ce changement de cap du chef de l’Etat au lendemain du comice d’Ebolowa ne traduit-il pas plutôt une préoccupation purement conjoncturelle liée au contexte sociopolitique en cette année électorale ?

Un paratonnerre aux émeutes de la faim (aux soulèvements populaires)

La survenance des crises sociopolitiques qu’ont connues la Tunisie et l’Egypte en ce début d’année a mis en évidence le risque de soulèvement populaire qui pèse sur les pays comme le Cameroun qui ont du mal à contenir la pauvreté et le chômage des jeunes. C’est certainement en anticipation et en prévision à ces risques que le président Paul Biya a crée la MIRAP afin de stabiliser les prix des produits de première nécessité. En effet, malgré l’activisme et le zèle déployé par le ministre du commerce, Luc Magloire Atangana Mbarga, les prix ont connu de fortes pressions inflationnistes dues à la concomitance de la volatilité des marchés mondiaux et à des comportements de spéculation sauvage imposés par les opérateurs nationaux. C’est donc non seulement pour faire face à l’échec des précédentes mesures contre la vie chère, mais aussi pour anticiper sur les risques de mécontentements sociaux que le président Biya, en fin stratège, a décidé de prendre le contrôle de la situation. La question consiste donc à évaluer les chances de réussite de la MIRAP ainsi que l’impact qu’elle aura sur l’économie nationale en particulier l’agriculture.


Une marge de manœuvre très réduite.

Si à l’évidence, cette décision traduit la préoccupation des pouvoirs publics quant à la pénurie chronique des produits de consommation courante, elle laisse néanmoins dubitatifs les consommateurs quant à sa pertinence. C’est une réponse administrative dont l’opportunité et la pertinence reste à démontrer. En effet, les conditions et les délais de mise en œuvre dans le court terme sont hypothétiques, ce dans la mesure où la création de la MIRAP n’était pas prévue un mois auparavant, sinon elle aurait été annoncée pendant le comice d’Ebolowa. Par ailleurs, lorsque l’on sait le temps qu’il faut pour mettre en place l’organisation de la structure, nommer le staff dirigeant, recruter le personnel et mener les études techniques diverses, l’on  est tenté de croire à la naissance d’un nouvel éléphant blanc qui viendra s’ajouter une liste déjà bien longue. D’autre part, sur un plan purement opérationnel, on se demande où seront stockés ces produits (entrepôts frigorifiques, silos, etc.) et comment ils seront vendus, lorsque l’on sait la capacité de contrôle des gros distributeurs sur les chaînes d’approvisionnements des marchés de gros de semi-gros et de détail. Une rude bataille s’annonce donc avec les importateurs qui disposent de réseaux capables de déstabiliser le système par des actions concertées dont il s’agit de déterminer le timing avec malveillance.

Une bonne idée en soi.

L’idée à la base de la création de la MIRAP aurait été louable si elle s’inscrivait simplement dans le cadre de la politique stratégique de souveraineté de l’Etat. En effet, on remarque que toutes les grandes nations du monde disposent de très importants stocks de sécurité pour tous les produits alimentaires. Ceci permet de prévenir des situations de crise ou de catastrophes naturelles. Cela permettrait par exemple de faire face aux menaces de crise alimentaire qui affectent souvent la survie des paysans de la partie septentrionale du Cameroun. Ce stock permettrait donc également de garantir aux producteurs locaux des débouchés certains et une stabilisation des prix pendant les années de surproduction sur le modèle de ce que fit Joseph en Egypte. Malheureusement, nous ne sommes que trop habitués de grandes annonces, de lancements de projets pharaoniques, de créations de grandes structures et institutions dont la mise en place reste embryonnaire et l’effectivité nulle. Que sont devenues toutes ces structures à l’instar de l’API (Agence de promotion des Investissements) dont l’action sur le terrain reste attendue. Et que dire de la Banque agricole récemment créée ? L’on sait combien de tems il a fallu pour nommer le staff dirigeant de la Camair Co ; et pour celles qui existent on se demande à quoi elles servent. Citons par exemple le conseil national de la communication qui n’a pas de président ou  le conseil national de la jeunesse dont on a plus entendu parler après avoir fait croire aux jeunes qu’elle leur apportera l’attention qu’ils méritent.

Il apparaît au terme de l’analyse que la création de la MIRAP, au-delà du fait qu’elle risque d’accroître le volume des importations et miner ainsi la production locale comme le redoutent plusieurs, n’a que peu de chance d’accomplir avec succès sa mission qui est celle d’apaiser les tensions sociales. S’il est fort possible à l’Etat d’acheter des produits et infléchir les tensions sur les marchés au regard des budgets de souveraineté que s’est octroyé l’Etat en 2011, il est illusoire de penser que ces actions de saupoudrage permettront de résoudre le véritable problème des jeunes et des pauvres qui reste et demeure le chômage.

Francis Bidjocka

Publié dans le Journal La Symbiose

Tuesday, February 8, 2011

TSIMI EVOUNA : L’HOMME PAR QUI VIENDRA LE MAL.



Après avoir été un des responsables des émeutes de la faim en février2008, le voilà à nouveau au cœur du mouvement de révolte qui a conduit les petits commerçants du marché de mokolo à affronter les forces de l’ordre le 15 décembre dernier. A force de jouer avec le feu…

Tsimi Evouna est sans conteste la personnalité la plus controversée qu’a produit  le régime Biya au cours des cinq dernières années. Bâtisseur visionnaire pour les uns, despote inhumain pour les autres, le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé ne laisse personne indifférent.

A son actif, de nombreuses réalisations : constructions de nouvelles avenues dans le périmètre urbain, aménagement des ronds points et jardins publics, disparition de plusieurs taudis, ramassage systématique des ordures et même balayage des rues. Le symbole de son action  se décline plutôt par une série de réalisations de prestige à l’instar du bois sainte Anastasie (jardin aménagé au cœur de la ville), de l’échangeur « compliqué » du rond point de la préfecture, des travaux d’embellissement des ronds points, des trottoirs et terre-pleins ici et là.

Le bilan matériel semble flatteur, pourtant de nombreuses zones d’ombre subsistent.  L’échec le plus patent de la politique de Mr Tsimi Evouna est sans doute le fiasco du projet de construction de la cité Ongola à l’emplacement de l’ex camp sic Tsinga. La gestion de ce projet a permis de mettre a nu les méthodes peu orthodoxes du délégué du gouvernement. Celles-ci se manifestent par le non respect des procédures réglementaires et managériales de base. Ainsi, la quasi-totalité des marchés passés par la communauté urbaine le sont en violation du code des marchés publics qui imposent aux maîtres d’ouvrage de recourir à la compétition et à la transparence dans le cadre des appels d’offres publics.

L’agence de régulation des marchés publics (ARMP) a relevé de nombreuses irrégularités dans la passation des marchés de la communauté urbaine de Yaoundé. On peut entre autres citer le démarrage voire l’exécution de plusieurs chantiers en l’absence d’avis d’appel d’offres. Interpellé par le directeur de l’agence des marchés, Mr Tsimi evouna lui rappelle  dans une correspondance qu’il est « tenu à une obligation de résultats » et qu’en «  l’état actuel de la réglementation sur les marchés publics, il n’est pas toujours possibles de les atteindre ». Cette attitude est paradoxale lorsque l’on sait que Mr Tsimi Evouna s’est toujours appuyé sur les lois afin de mener sa politique de déguerpissement. Toutefois il devra tôt ou tard répondre car les  passations des marchés en violation du code des marchés peuvent être dans le cas d’espèces assimilées à des détournements de fonds. Rappelons que la majorité des faits reprochés aux victimes de l’opération Epervier découle de la violation des procédures de passations des marchés (que ceux-ci soient réalisés ou pas). Mr Tsimi Evouna ne doit pas interpréter le silence des autorités gouvernementales et judiciaires comme une approbation (d’aucuns ont commis cette erreur à leurs dépens). Moralité : « on vous servira dans la mesure dont vous serez servis ».

Une violence omniprésente.

La violence qui caractérise l’action du délégué du gouvernement auprès de la commune urbaine de Yaoundé, a atteint une ampleur qui commence à inquiéter parmi ses plus fervents supporters. A son actif on peut citer entre autres, la destruction des quartiers Ntaba –Nlongkak, Hippodrome, Messa-Carrefour Lissouck, Derrière combattant, Briquetterie face Palais des sports. C’est plus de 10 000 personnes qui ont ainsi été jetés dans la rue sans aucun ménagement. Au niveau économique, les populations sont témoins des agressions quotidiennes des agents de la CUY. En plus des casses sauvages sur des boutiques et comptoirs dans les différents marchés et quartiers , des motocyclettes sont brutalement arrachées par des miliciens du super maire en dehors des procédures classiques d’interpellation, des marchandises de pauvres femmes sont écrasées dans les marchés, les sauveteurs sont pourchassés, les petits commerçants ambulants sont traqués.

L’action aveugle de Mr Tsimi Evouna est une grave menace pour la paix sociale. L’on se souvient qu’en 2008, la grève des transporteurs avait été motivée en partie par un arrêté de la CUY durcissant les conditions de stationnement des taxis. Récemment nous avons vu la violence se déployer au marché Mokolo à cause du harcèlement incessant de ses agents. Ces quelques escarmouches cachent un malaise profond et des conséquences plus que dramatiques. On observe une insécurité grandissante liée à une dégradation des moeurs dans la ville de Yaoundé. Cette situation est intenable et on peut prévoir qu’en 2011, année électorale,  une explosion aura lieu. En effet, comment comprendre que l’on interdise la « débrouillardise » dans une ville où plus de 70% de la population vit du secteur informel et où 40% vit en dessous du seuil de pauvreté (statistiques de l’institut national de la statistique).
Cette attitude va même à l’encontre de la politique de lutte contre la pauvreté menée par le gouvernement et les institutions internationales, l’on ne saurait comprendre l’acharnement du Délégué de ce même gouvernement à détruire le tissu fragile du secteur informel dont il a été démontré qu’il constitue un véritable levier de lutte contre la pauvreté et partant de création de l’économie. Il nous revient que le rapport Attali commandé par le président Sarkozy pour lutter contre le chômage a prescrit l’augmentation du nombre de taxi, de coiffeurs et autres petits métiers. La France vient même de créer le statut d’auto entrepreneur. Si dans des pays avancés l’on reconnaît l’apport du secteur informel, au Cameroun nous avons un « petit blanc » nommé  TSIMI EVOUNA qui se veut plus royaliste que le roi et qui veut transformer la ville en une cité aseptisée au profit des riches, car dit-il « on ne vient pas à Yaoundé pour se débrouiller ! »

 Une chose est sûre, si Mr Tsimi Evouna n’arrête pas de détruire les sources de revenus d’honnêtes petites gens, de déguerpir les trottoirs des marchés pour aussitôt y installer des boutiques haut standing, l’année 2011 sera l’occasion de tous les bilans et de tous les dangers.



Francis BIDJOCKA

BIYA – FRU NDI : VERS UNE SOLUTION DE PARTAGE DU POUVOIR.



L’opération de charme menée par le président Biya à l’endroit de John Fru Ndi et de toute la région du Nord Ouest, le chairman du Social Democratic Front (SDF), au-delà d’une simple volonté de détente ou de décrispation du climat politique, s’inscrit dans une approche stratégique de coopération pour la consolidation du pouvoir. Décryptage.

Qu’est ce qui a bien pu se passer pour que le chef de l’Etat du Cameroun, personnalité si difficilement accessible, accepte de descendre de son piédestal pour solliciter une rencontre avec John Fru Ndi dans son fief de Bamenda ? Pour qui connaît le « code » de fonctionnement du président Biya,  il apparaît que celui-ci, en fin stratège, n’agit que lorsque les circonstances l’exigent. L’analyse stratégique des forces en présence dans la configuration et le contexte lié à l’agenda politique de l’année 2011 permet de dévoiler les principaux enjeux et atouts dont disposent les différents protagonistes.

Une année 2011 particulièrement dense.

L’agenda politique de l’année 2011 s’annonce particulièrement chargé. Dans la perspective des élections présidentielles prévues au mois d’octobre, il sera question d’appuyer l’action de ELECAM afin qu’elle puisse mener à bien sa mission d’organisation d’élection transparentes et crédibles. Puis, l’actualité devrait être marquée par l’organisation du congrès du RDPC avec à l’ordre du jour le renouvellement des membres décédés du comité central et la désignation de Paul Biya comme candidat à l’élection présidentielle. Le 1er octobre 2011 devrait marquer la fin des festivités liées à l’organisation du cinquantenaire de la réunification qui se tiendra à Limbé. C’est donc dans la foulée de cet évènement que se tiendra l’élection présidentielle d’octobre-novembre 2011. A ces échéances politiques vont s’ajouter des actions économiques spectaculaires telles que le comice agropastoral d’Ebolowa, le probable lancement des travaux du barrage de Lom Pangar, du barrage de Memvélé, du port en eau profonde de Kribi, de l’usine à gaz de Kribi, du deuxième pont sur le Wouri, de l’université de Bamenda, etc.

Si le président Biya semble disposer de tous les atouts pour rempiler un nouveau mandat, l’observateur non averti peut s’étonner de l’opportunité d’une rencontre avec le chairman du SDF. En fait 2011 est une année pleines d’incertitudes dues notamment à la fragilité du processus démocratique au Cameroun tels que l’ont relevé les rapports de nombreux instituts tels que l’International Crisis Group qui a deux reprises tiré la sonnette d’alarme sur le risque de crise politique au Cameroun en 2011. A cela viennent s’ajouter les mauvais points attribués au pays par des ONG internationales comme Transparency International, Reporters sans frontières, le Foreign Policy ou le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement  dont l’action a entraîné l’ouverture d’une information judiciaire contre Paul Biya en France. D’autre part, les bailleurs de fonds internationaux posent la bonne gouvernance et la démocratie compétitive comme préalable à toute intervention. De plus, il est clair que peu nombreux sont les investisseurs qui peuvent prendre le risque d’investir dans un pays à démocratie faible dans une année électorale. La légendaire prudence des investisseurs devrait plutôt les pousser à l’attentisme quant au démarrage effectif des différents chantiers avant la fin de l’élection présidentielle ; les controverses autour d’ELECAM les y conforteront.

L’analyse des enjeux.

La minimisation du risque de crise politique au Cameroun imposait donc au président Biya d’entamer un rapprochement avec le leader de l’opposition afin d’apaiser le climat politique et d’offrir des gages de bonne volonté à nos différents partenaires internationaux. Pour être effective cette démarche d’apaisement doit se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un accord politique ou tout au moins d’un code de bonne conduite. Or tout accord nécessite une négociation qui tient compte des intérêts des uns et des autres.

Du côté du président Biya, l’objectif est non seulement de briguer un nouveau mandat, mais aussi de faire de celui-ci le point d’achèvement de son ambition déclarée d’être celui qui aura conduit le Cameroun à la démocratie et à la prospérité. Or au soir du présent septennat, le programme des grandes ambitions n’est qu’au stade du lancement. Paul Biya ne voudra certainement pas sortir par la petite porte de l’histoire en laissant à son successeur l’honneur de réaliser ce qu’il n’aura que rêvé. Pour y parvenir il a besoin d’être réélu à l’issue d’un scrutin transparent, équitable et crédible aux yeux de l’opinion internationale très tatillonne sur le sujet.  De plus il n’a pas intérêt à ce que l’agitation électorale vienne refréner l’ardeur des investisseurs étrangers.

Du côté du chairman Fru Ndi, la présidentielle de 2011 est une nouvelle occasion d’accéder à la magistrature suprême même si les chances semblent faibles. Toutefois l’espoir est toujours permis lorsque l’on sait qu’aucune élection n’est jamais gagnée d’avance. D’autre part l’on sait sa capacité de mobilisation d’une certaine opinion nationale et internationale, le SDF représente un acteur incontournable dont le poids peut infléchir le destin national. Pour ce faire le principal levier dont le SDF dispose est le problème de l’indépendance et du fonctionnement d’Elecam. Jusque là son mot d’ordre de non inscription sur les listes électorales semble porter ses fruits puisqu’à ce jour le rythme des inscriptions est très timide.

Vers un accord gagnant-gagnant

Une chose est sûre, l’agenda politique et économique de 2011 devrait sauf accident devoir mener le président Biya à la victoire. Seulement le vieux lion est prudent et ne peut pas prendre le risque de laisser trop d’indépendance à Elecam. Fru Ndi quant à lui peut s’appuyer sur cette faiblesse du dispositif électoral pour ameuter l’opinion nationale et internationale.
L’expérience politique récente en Afrique montre qu’un régime installé au pouvoir depuis longtemps peut faire un hold up électoral au mépris de la communauté internationale. Or ce genre de procédés a de fâcheuses conséquences sur les relations avec les investisseurs étrangers. La stratégie gagnante consisterait donc pour le SDF de signer une alliance consistant à laisser Biya gagner les élections afin d’obtenir de lui la mise en place de toutes les dispositions constitutionnelles d’une part et d’autre part de participer à un accord de gouvernement qui leur permettra d’engranger une expérience significative de la gestion des affaires publiques et de pouvoir compétir à armes égales la présidentielle d’après 2011.  Les bénéfices pour le camp présidentiel seraient de bénéficier d’un climat politique apaisé, d’une gouvernance meilleure, toutes choses qui permettraient de mener à bon port la politique des grandes ambitions. Cette approche ferait également l’économie de toute l’agitation qui accompagne les processus électoraux en Afrique. Une vraie solution à l’Africaine.

Francis Bidjocka.









Tuesday, January 11, 2011

LES CHIFFRES QUI ACCABLENT LE CAMP GBAGBO.




Le scénario catastrophe tant redouté à l’issue du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire est en train de se réaliser devant les yeux d’une communauté nationale et internationale en état de choc. Ainsi, les engagements d’acceptation des résultats proclamés par les instances appropriées n’ont pas été tenus par les deux protagonistes, et pour cause, l’un des camps a triché, agissant traîtreusement.


Un coup bien préparé.
Dès son premier discours de campagne du deuxième tour de la présidentielle ivoirienne, Laurent Kodou Gbagbo donnait le ton en disant qu’il n’accepterait jamais que ceux qui ont organisé les coups d’état puissent accéder au pouvoir. Ce type de déclarations multipliées par le camp présidentiel laissait planer une menace sur la possibilité de non acceptation des résultats du scrutin s’il s’avérait que le candidat Ouattara en fut le vainqueur. Ainsi lors du face à face Alassane Ouattara n’avait de cesse de demander au président Gbagbo de s’engager à respecter les résultats proclamés par la CEI. A peine y consentait-il qu’il proclame à la surprise générale l’annonce d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire. Dès le lendemain des élections, les porte-parole du président Gbagbo multipliaient les déclarations tendant à remettre en cause les résultats éventuellement produits par la CEI. Le passage à l’acte s’est traduit par des violences publiques sur la personne de Youssouf Bakayoko, le président de la CEI et par le déguerpissement manu militari des journalistes présents sur la scène.

La course contre la montre.

Il aura fallu toute la détermination du représentant des nations unies, Yong Jin Choi, ainsi que celles du premier ministre Guillaume Soro pour faire proclamer in extremis les résultats provisoires par le président de la CEI un jour après le délai de trois jours a lui alloué. Dès lors le temps était tellement compté pour le conseil constitutionnel qu’il allait évacuer le  volumineux contentieux électoral en tout juste trois heures et proclamer dans la foulée des résultats diamétralement opposés à ceux de la CEI. Comment expliquer que le conseil constitutionnel n’ait pas pris plus de temps (elle dispose d’un délai de 7 jours) pour examiner les nombreux recours introduits par le camp présidentiel, et comment comprendre qu’elle ait entrepris d’annuler les scrutins dans sept départements sur la seule base de dénonciations et rapports d’auditions, sans tenir compte des rapports des multiples observateurs nationaux et internationaux. Il faut même relever que le conseil constitutionnel a pris moins de temps pour statuer sur les recours du premier tour (introduits par Konan Bédié) que sur ceux ayant privés plus de 500 000 citoyens ivoiriens de leur droit de vote. En effet le conseil constitutionnel a attendu le Samedi soit 6 jours après le scrutin pour valider les résultats  en déclarant par la bouche de Paul Yao N'Dre, son président, que :"Les procès verbaux ne relèvent aucune irrégularité de nature à endommager la sincérité du scrutin et à affecter les résultats d'ensemble ».
Or dans le cas des recours formulés par le camp présidentiels, il n’était plus question de statuer sur la base des procès verbaux mais sur les accusations non attestées sur le plan juridique. Seulement, aucun crime n’est parfait, surtout s’il est exécuté en si peu de temps. Dans leur précipitation, et peut être à cause de leur formation  littéraire,  les « augustes magistrats » du CC ont commis de flagrantes erreurs de calcul sur lesquelles personnes ne s’est jusqu’alors appesanti.

De grossières erreurs de Calcul.

En effectuant ses calculs, le conseil constitutionnel a commis une erreur de calcul monumentale. Selon les chiffres transmis par la commission électorale indépendante le taux de participation se situait à près de 73% soit 4 076 680 suffrages exprimés. Après avoir annulé les suffrages dans 7 départements représentant 13% des suffrages exprimés soit exactement 530 485 voix, le nombre de votants aurait dû descendre à 3 546 195 et non à 3 993 209 tels que présentés par le conseil constitutionnel. Il s’avère donc qu’il y a 447 014 voix de trop dans les chiffres transmis par le CC. Le tableau ci-dessous met en évidence l’incohérence des résultas produits du conseil constitutionnel.

Suffrages
exprimés
Résultats 
provisoires 
de la CEI
Voix annulées par le CC
Résultats 
erronés 
mal 
calculés 
par le CC
Résultats
du CC
 corrigés
par la rédaction
Gbagbo
1 877 088
(46%)
45 033
 (1.11%)
2 054 537 
(51,45%)
1 832 055
(51.66%)
Ouattara
2 199 592
(54%)
485 452
 (11.89%)
1 938 672
(48,55%)
1 714 140
(48.33%)
Total
4 076 688
(100%)
530 485
(13%)
3 993 209
 (100%)
3 546 195
(100%)

Les tableaux ci-dessous présentent les résultas obtenus par les différentes parties dans les sept départements (appartenant aux régions des savanes, de la Vallée du bandama et du Wordougou) dont les votes ont été annulés. L’analyse des résultats non contestés dans les dites régions au premier tour  montrent que le score obtenu par Alassane Ouattara lui assure une victoire confortable au second tour même si toutes les voix du candidat Bédié était octroyées à Mr Gbagbo.


Résultats obtenus dans les régions contestées au premier tour.
Région
BEDIE
GBAGBO OUATTARRA

Savanes
4 ,92 %
6,50 %
85,90 %
Vallée du Bandama
38,56 %
9,41 %
49 ,85 %
Worodougou
4,12 %
6,94 %
87,13 %
Localité
Ouattara
Gbagbo
Ferkessedougou
97.31 %
3.29 %
Katiola
86.33 %
13.66 %
Boundiali
89.69 %
10.31 %
Dabakala
95.02 %
4.98 %
Séguéla
95.6 %
4.4 %
Bouaké
75.71 %
24.29 %
Korogho
96.42 %
3.57 %
Total
91.51 %
8.48 %

Résultats obtenus dans les régions contestées au second tour.



  








La vérité finit toujours par triompher.

Le débat sur la légitimité ou la légalité entre les  différents présidents de la Côte d’ivoire a ici été tranché par les chiffres et ceux-ci n’admettent pas de débats juste des démonstrations. Un plus un ne feront toujours que deux et c’est indiscutable ! Le maître Jésus Christ a dit :  « Si le sel perd sa saveur, avec quoi le lui rendra t-on ? Il n’est bon qu’à être jeté dehors et être foulé au pied. » Lorsqu’un sait la probité, l’intégrité, l’honorabilité et l’impartialité dont font preuve les membres du conseil constitutionnel ailleurs dans le monde, il y a l’extérieur du continent, une forte tentation  de mépriser l’Afrique et les africains qui doivent enfin comprendre que « une bonne réputation vaut mieux que de l’or ». Elle ne se décrète pas, elle se mérite et elle s’impose à tous sans tambour ni trompette. 

 Méditons y !

Francis Bidjocka.

Publié dans le Journal La symbiose.