Saturday, October 8, 2011

EXAMENS SCOLAIRES 2011 : MENTION PITIE POUR LE MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRES.


Le faible taux de réussite (environ 30% au Baccalauréat et au Probatoire et 50% au BEPC) enregistré aux examens officiels cette année traduit simplement le niveau de performance d’un système éducatif camerounais en détresse, englué dans la mal gouvernance et n’arrivant plus à définir ses visions, buts et objectifs. Une analyse des causes de l’échec scolaire nous permettra d’évaluer le système éducatif camerounais.



La mystification du diplôme.

Le fort taux d’échec aux examens officiels au Cameroun est une tradition qui date de l’ère coloniale où il était question de restreindre l’accès à l’instruction diplômante « afin de ne pas augmenter de façon imprudente le nombre déjà trop élevé de candidats à des emplois qui ne peuvent être pourvus ». Cette politique coloniale a été reprise et même formalisée sous le magistère de M. Adamou NDAM NJOYA, alors ministre de l’éducation nationale. Celui-ci avait alors durci les conditions d’obtention des diplômes avec l’instauration des notes éliminatoires, la suspension (la colle) aux examens en cas de notes inférieures à 5/20, et la restriction de l’accès à l’enseignement supérieur aux étudiants brillants et âgés de moins de 25 ans. Et même à l’université, l’échec restait sévèrement sanctionné. Si ce système a eu le mérite de tirer vers le haut le niveau scolaire et faciliter l’emploi aux détenteurs de diplômes, il n’a fait que renforcer l’élitisme voulu par le colon et détourner le système éducatif de sa vraie mission qui est de former une population capable de s’assumer elle-même et faire face aux impératifs du développement économique.

Au lieu de cela l’école camerounaise est restée dans la mentalité de ses administrateurs et enseignants le lieu de la sélection naturelle, le lieu de la mystification du savoir. Cette déviance pédagogique justifie cette note du Pr Peter Ndumbe, alors doyen de la faculté de médécine (CUSS) où il rappelait fort à propos que : « l’examen vise à évaluer le niveau de l’étudiant, non à l’invalider ». Dans lycées et collèges, c’est une fierté pour l’enseignant de composer des épreuves où aucun élève n’a obtenu la moyenne et c’est un scandale au Cameroun si une épreuve d’examen est similaire à un cas traité au cours de l’année. Cette attitude a pour conséquence le désintérêt pour certaines matières et le manque de confiance pour les élèves qui se croient fatalement « bêtes ».



Des facteurs d’échec du système

Ce flou dans le positionnement du système éducatif camerounais entraîne de grandes dérives tant dans la définition des programmes d’enseignements que dans la planification des moyens alloués à ces objectifs conformément à l’adage selon lequel : « point de vent favorable pour qui ne sait où il va ».

Les programmes d’enseignements sont encore fortement teintés des accords de coopération avec les anciennes puissances coloniales auxquelles on continue à tenir mordicus. Sinon comment expliquer que cinquante ans après les indépendances, nous continuions d’avoir deux systèmes éducatifs alors que les emplois offerts restent les mêmes. Il est temps de faire la preuve de notre indépendance, car ce sont de tels facteurs qui font le lit de la division et des velléités séparatistes.

D’autre part, il est absolument incompréhensible qu’un pays agricole continue de produire des milliers de diplômes dont aucun n’a de lien avec le monde rural. Au moins aurait-on pu innover en insérant dans les programmes classiques des options pratiques et professionnelles. Ainsi, les cours de sciences naturelles comporteraient des enseignements agricoles ou de médecine. Un tel système permettrait de produire des aides soignants au niveau du BEPC et des infirmiers brevetés dès l’obtention du Bac, le tout étant complété par des stages professionnels annuels. Pour toutes les autres séries générales, il en serait de même pour produire des techniciens agricoles, des secrétaires informatiques, des techniciens de maintenance informatique, des cuisiniers, hôteliers, etc. En fait, il s’agira pour chaque élève au secondaire d’avoir en option un cours technique ou artisanal pratique. Afin de s’assurer qu’à l’obtention du moindre diplôme soit associé à un savoir-faire concret.

Un autre facteur explicatif de l’échec scolaire est les conditions matérielles dans lesquelles se déroulent les enseignements. Certaines écoles primaires à cycle complet n’ont pour seuls enseignants que leur directeur. Il ya des collèges où il n’y a pas d’enseignants dans certaines matières. La moyenne des effectifs est supérieure à 100 élèves par classe. Le gouvernement ne cesse de jouer au chat et à la souris avec les milliers d’instituteurs vacataires dont plusieurs sont obligés de travailler en bénévoles pour espérer un jour être contractualisés, ce en violation de toute réglementation sur le travail.

On se retrouve donc avec des enseignants mécontents, démotivés, sans vocation et souvent mal formés dans un système oppressif qu’ils vont inconsciemment ou non pérenniser. L’évaluation ne se limité plus qu’aux séquences (5 par an). Finies les interrogations inopinées, les évaluations in vivo, les corrections de cahiers et la disponibilité de l’enseignant souvent reparti vers les métropoles. Il n’est donc pas rare de voir les enseignants impliqués dans la corruption, certains allant jusqu’à marchander les notes. Inutile d’aborder les aspects liés au droit de cuissage qui s’est imposé comme le dénominateur commun à la gent masculine qui la considère comme un avantage du métier et pis comme un droit.

Du côté des demandeurs les torts ne manquent pas. La démission de nombreux parents face au suivi de leurs enfants, aux coûts des frais d’écolage, de fournitures et d’entretien est parfois justifiée. Sinon ailleurs la défection est évidente ; plus occupés à jouir des moindres plaisirs que leur procure la vie, nombreux sont les parents qui se disent qu’après tout à quoi bon se donner toute cette peine.

Les élèves quant à eux sont inquiétants à plus d’un titre, totalement désorientés au confluent de tous ces dysfonctionnements, ils ont trouvé leur voie tant dans les plaisirs de la jeunesse que dans les tares des adultes. En plus de s’abrutir avec les séries télévisées, ils jouent, ils s’amusent et ils se dépravent. Malgré la présence du HIV, fréquentes sont les grossesses assumées à défaut d’être désirées, le taux de virginité au plus bas étant à rechercher de plus en plus bas. L’attitude la plus illustrative de la mentalité de nos jeunes scolaires est le rituel qu’ils observent à la fin de chaque examen. On voit ainsi des élèves en train de fêter à l’alcoolisé, non la réussite au BEPC, mais la fin de la composition. L’essentiel n’est-il donc pas de participer ?



Evaluation des pertes et pistes de solutions

Au-delà de toute cette analyse il y a une question : « à qui profite le crime ». Pour une fois à personne si ce n’est aux démons du sous-développement et de la médiocrité qui tiennent nos états bananiers. En effet, l’Etat, c’est-à-dire le contribuable, alloue la plus grande part de son revenu à l’éducation de la jeunesse. L’Etat dépense plus de 187 150 milliards pour l’enseignement secondaire et 144 382 milliards pour l’éducation de base soit un montant cumulé de 331 532 milliards de francs CFA soit plus de 21% du budget de l’exercice 2011. L’impact d’un taux d’échec de 60 % aux examens signifie simplement une perte de budget du même ordre, soit 112 290 milliards F CFA par an uniquement pour le secondaire. A cette somme il faut ajouter les coûts supportés par les parents et l’estimation des pertes de revenus futurs des élèves, car c’est bien une année de leur vie qui se perd.

La première et la plus fondamentale des solutions est de mettre sur pied un système éducatif endogène qui sans se couper des canons universels, doit se définir par rapport à nos besoins, à notre contexte et à nos moyens. C’est un système qui doit rentabiliser au mieux l’investissement consenti, produisant pour le marché de l’emploi des personnes exploitables et non des diplômés incapables d’exploiter le dixième de la formation reçue. Il faut réformer la mentalité de l’évaluateur qui doit être sanctionné s’il n’est pas capable de former des élèves ayant le niveau de l’examen. Il est hors de question de penser que les pays comme la France qui ont des forts taux de réussite ont des élèves plus intelligents. Il faut éviter de faire du saupoudrage notamment dans les petites classes où l’on ne comprend pas que l’école primaire atteigne des scores de quasiment 100% au CEPE, en totale contradiction avec le niveau de certains élèves. Il faut donc mettre l’accent sur la base. D’un autre côté il est incompréhensible d’obtenir des taux de 30% au Bac alors que ces élèves sont sensés avoir le niveau de la classe étant donné le tamis exercé par le probatoire. Vivement de vrais états généraux de l’éducation !



Francis BIDJOCKA





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