Saturday, February 12, 2011

LA MIRAP POURRA-T’ELLE EMPÊCHER LES EMEUTES DE LA FAIM ?



C’est dans le cadre de la lutte contre la vie chère engagée au lendemain des émeutes de la faim de février 2008 que le président Paul Biya vient de décider la création de la MIRAP. Peut-elle réussir sa mission ?


La Mission de Régulation des Approvisionnements des Produits de grande consommation (MIRAP) a été crée par décret présidentiel le 1er février 2011 avec pour mission principale de garantir le ravitaillement des marchés camerounais en produits de première nécessité, par l’importation, l’achat et le stockage. La création de cet organisme a suscité de vives réactions de la part de leaders des mouvements de défense des agriculteurs à l’instar de Bernard Njonga, le président l’Association de défense des intérêts collectifs (Acdic) et par ailleurs porte-parole de la Coalition souveraineté alimentaire du Cameroun (Cosac). Ce dernier s’est notamment indigné de ce que cette mesure vienne en contradiction au discours du comice d’ Ebolowa où le chef de l’Etat avait annoncé un train de mesures destinées à renforcer la souveraineté alimentaire du Cameroun afin de réduire le volume trop important des importations agricoles. Or la mission première de la MIRAP est d’assurer l’approvisionnement des marchés en denrées de premières nécessité à l’instar de du riz, du poisson, de la farine de blé, du sucre et de l’huile pour ne citer que les principales. Seulement, il se trouve la quasi-totalité de ces denrées est importée. Ce changement de cap du chef de l’Etat au lendemain du comice d’Ebolowa ne traduit-il pas plutôt une préoccupation purement conjoncturelle liée au contexte sociopolitique en cette année électorale ?

Un paratonnerre aux émeutes de la faim (aux soulèvements populaires)

La survenance des crises sociopolitiques qu’ont connues la Tunisie et l’Egypte en ce début d’année a mis en évidence le risque de soulèvement populaire qui pèse sur les pays comme le Cameroun qui ont du mal à contenir la pauvreté et le chômage des jeunes. C’est certainement en anticipation et en prévision à ces risques que le président Paul Biya a crée la MIRAP afin de stabiliser les prix des produits de première nécessité. En effet, malgré l’activisme et le zèle déployé par le ministre du commerce, Luc Magloire Atangana Mbarga, les prix ont connu de fortes pressions inflationnistes dues à la concomitance de la volatilité des marchés mondiaux et à des comportements de spéculation sauvage imposés par les opérateurs nationaux. C’est donc non seulement pour faire face à l’échec des précédentes mesures contre la vie chère, mais aussi pour anticiper sur les risques de mécontentements sociaux que le président Biya, en fin stratège, a décidé de prendre le contrôle de la situation. La question consiste donc à évaluer les chances de réussite de la MIRAP ainsi que l’impact qu’elle aura sur l’économie nationale en particulier l’agriculture.


Une marge de manœuvre très réduite.

Si à l’évidence, cette décision traduit la préoccupation des pouvoirs publics quant à la pénurie chronique des produits de consommation courante, elle laisse néanmoins dubitatifs les consommateurs quant à sa pertinence. C’est une réponse administrative dont l’opportunité et la pertinence reste à démontrer. En effet, les conditions et les délais de mise en œuvre dans le court terme sont hypothétiques, ce dans la mesure où la création de la MIRAP n’était pas prévue un mois auparavant, sinon elle aurait été annoncée pendant le comice d’Ebolowa. Par ailleurs, lorsque l’on sait le temps qu’il faut pour mettre en place l’organisation de la structure, nommer le staff dirigeant, recruter le personnel et mener les études techniques diverses, l’on  est tenté de croire à la naissance d’un nouvel éléphant blanc qui viendra s’ajouter une liste déjà bien longue. D’autre part, sur un plan purement opérationnel, on se demande où seront stockés ces produits (entrepôts frigorifiques, silos, etc.) et comment ils seront vendus, lorsque l’on sait la capacité de contrôle des gros distributeurs sur les chaînes d’approvisionnements des marchés de gros de semi-gros et de détail. Une rude bataille s’annonce donc avec les importateurs qui disposent de réseaux capables de déstabiliser le système par des actions concertées dont il s’agit de déterminer le timing avec malveillance.

Une bonne idée en soi.

L’idée à la base de la création de la MIRAP aurait été louable si elle s’inscrivait simplement dans le cadre de la politique stratégique de souveraineté de l’Etat. En effet, on remarque que toutes les grandes nations du monde disposent de très importants stocks de sécurité pour tous les produits alimentaires. Ceci permet de prévenir des situations de crise ou de catastrophes naturelles. Cela permettrait par exemple de faire face aux menaces de crise alimentaire qui affectent souvent la survie des paysans de la partie septentrionale du Cameroun. Ce stock permettrait donc également de garantir aux producteurs locaux des débouchés certains et une stabilisation des prix pendant les années de surproduction sur le modèle de ce que fit Joseph en Egypte. Malheureusement, nous ne sommes que trop habitués de grandes annonces, de lancements de projets pharaoniques, de créations de grandes structures et institutions dont la mise en place reste embryonnaire et l’effectivité nulle. Que sont devenues toutes ces structures à l’instar de l’API (Agence de promotion des Investissements) dont l’action sur le terrain reste attendue. Et que dire de la Banque agricole récemment créée ? L’on sait combien de tems il a fallu pour nommer le staff dirigeant de la Camair Co ; et pour celles qui existent on se demande à quoi elles servent. Citons par exemple le conseil national de la communication qui n’a pas de président ou  le conseil national de la jeunesse dont on a plus entendu parler après avoir fait croire aux jeunes qu’elle leur apportera l’attention qu’ils méritent.

Il apparaît au terme de l’analyse que la création de la MIRAP, au-delà du fait qu’elle risque d’accroître le volume des importations et miner ainsi la production locale comme le redoutent plusieurs, n’a que peu de chance d’accomplir avec succès sa mission qui est celle d’apaiser les tensions sociales. S’il est fort possible à l’Etat d’acheter des produits et infléchir les tensions sur les marchés au regard des budgets de souveraineté que s’est octroyé l’Etat en 2011, il est illusoire de penser que ces actions de saupoudrage permettront de résoudre le véritable problème des jeunes et des pauvres qui reste et demeure le chômage.

Francis Bidjocka

Publié dans le Journal La Symbiose

3 comments:

Moussa said...

Le MIRAP réussira sa mission, au même titre que les différentes agences de régulation qui assument parfaitement leurs rôles au Cameroun. Cela nous évitera les pénuries mécaniques provoquées par des opérateurs économiques véreux.

Unknown said...

Elle se bat tant bien que mal à remplir ses missions depuis bientot 10ans

Unknown said...

Elle se bat tant bien que mal à remplir ses missions depuis bientot 10ans