Tuesday, February 8, 2011

BIYA – FRU NDI : VERS UNE SOLUTION DE PARTAGE DU POUVOIR.



L’opération de charme menée par le président Biya à l’endroit de John Fru Ndi et de toute la région du Nord Ouest, le chairman du Social Democratic Front (SDF), au-delà d’une simple volonté de détente ou de décrispation du climat politique, s’inscrit dans une approche stratégique de coopération pour la consolidation du pouvoir. Décryptage.

Qu’est ce qui a bien pu se passer pour que le chef de l’Etat du Cameroun, personnalité si difficilement accessible, accepte de descendre de son piédestal pour solliciter une rencontre avec John Fru Ndi dans son fief de Bamenda ? Pour qui connaît le « code » de fonctionnement du président Biya,  il apparaît que celui-ci, en fin stratège, n’agit que lorsque les circonstances l’exigent. L’analyse stratégique des forces en présence dans la configuration et le contexte lié à l’agenda politique de l’année 2011 permet de dévoiler les principaux enjeux et atouts dont disposent les différents protagonistes.

Une année 2011 particulièrement dense.

L’agenda politique de l’année 2011 s’annonce particulièrement chargé. Dans la perspective des élections présidentielles prévues au mois d’octobre, il sera question d’appuyer l’action de ELECAM afin qu’elle puisse mener à bien sa mission d’organisation d’élection transparentes et crédibles. Puis, l’actualité devrait être marquée par l’organisation du congrès du RDPC avec à l’ordre du jour le renouvellement des membres décédés du comité central et la désignation de Paul Biya comme candidat à l’élection présidentielle. Le 1er octobre 2011 devrait marquer la fin des festivités liées à l’organisation du cinquantenaire de la réunification qui se tiendra à Limbé. C’est donc dans la foulée de cet évènement que se tiendra l’élection présidentielle d’octobre-novembre 2011. A ces échéances politiques vont s’ajouter des actions économiques spectaculaires telles que le comice agropastoral d’Ebolowa, le probable lancement des travaux du barrage de Lom Pangar, du barrage de Memvélé, du port en eau profonde de Kribi, de l’usine à gaz de Kribi, du deuxième pont sur le Wouri, de l’université de Bamenda, etc.

Si le président Biya semble disposer de tous les atouts pour rempiler un nouveau mandat, l’observateur non averti peut s’étonner de l’opportunité d’une rencontre avec le chairman du SDF. En fait 2011 est une année pleines d’incertitudes dues notamment à la fragilité du processus démocratique au Cameroun tels que l’ont relevé les rapports de nombreux instituts tels que l’International Crisis Group qui a deux reprises tiré la sonnette d’alarme sur le risque de crise politique au Cameroun en 2011. A cela viennent s’ajouter les mauvais points attribués au pays par des ONG internationales comme Transparency International, Reporters sans frontières, le Foreign Policy ou le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement  dont l’action a entraîné l’ouverture d’une information judiciaire contre Paul Biya en France. D’autre part, les bailleurs de fonds internationaux posent la bonne gouvernance et la démocratie compétitive comme préalable à toute intervention. De plus, il est clair que peu nombreux sont les investisseurs qui peuvent prendre le risque d’investir dans un pays à démocratie faible dans une année électorale. La légendaire prudence des investisseurs devrait plutôt les pousser à l’attentisme quant au démarrage effectif des différents chantiers avant la fin de l’élection présidentielle ; les controverses autour d’ELECAM les y conforteront.

L’analyse des enjeux.

La minimisation du risque de crise politique au Cameroun imposait donc au président Biya d’entamer un rapprochement avec le leader de l’opposition afin d’apaiser le climat politique et d’offrir des gages de bonne volonté à nos différents partenaires internationaux. Pour être effective cette démarche d’apaisement doit se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un accord politique ou tout au moins d’un code de bonne conduite. Or tout accord nécessite une négociation qui tient compte des intérêts des uns et des autres.

Du côté du président Biya, l’objectif est non seulement de briguer un nouveau mandat, mais aussi de faire de celui-ci le point d’achèvement de son ambition déclarée d’être celui qui aura conduit le Cameroun à la démocratie et à la prospérité. Or au soir du présent septennat, le programme des grandes ambitions n’est qu’au stade du lancement. Paul Biya ne voudra certainement pas sortir par la petite porte de l’histoire en laissant à son successeur l’honneur de réaliser ce qu’il n’aura que rêvé. Pour y parvenir il a besoin d’être réélu à l’issue d’un scrutin transparent, équitable et crédible aux yeux de l’opinion internationale très tatillonne sur le sujet.  De plus il n’a pas intérêt à ce que l’agitation électorale vienne refréner l’ardeur des investisseurs étrangers.

Du côté du chairman Fru Ndi, la présidentielle de 2011 est une nouvelle occasion d’accéder à la magistrature suprême même si les chances semblent faibles. Toutefois l’espoir est toujours permis lorsque l’on sait qu’aucune élection n’est jamais gagnée d’avance. D’autre part l’on sait sa capacité de mobilisation d’une certaine opinion nationale et internationale, le SDF représente un acteur incontournable dont le poids peut infléchir le destin national. Pour ce faire le principal levier dont le SDF dispose est le problème de l’indépendance et du fonctionnement d’Elecam. Jusque là son mot d’ordre de non inscription sur les listes électorales semble porter ses fruits puisqu’à ce jour le rythme des inscriptions est très timide.

Vers un accord gagnant-gagnant

Une chose est sûre, l’agenda politique et économique de 2011 devrait sauf accident devoir mener le président Biya à la victoire. Seulement le vieux lion est prudent et ne peut pas prendre le risque de laisser trop d’indépendance à Elecam. Fru Ndi quant à lui peut s’appuyer sur cette faiblesse du dispositif électoral pour ameuter l’opinion nationale et internationale.
L’expérience politique récente en Afrique montre qu’un régime installé au pouvoir depuis longtemps peut faire un hold up électoral au mépris de la communauté internationale. Or ce genre de procédés a de fâcheuses conséquences sur les relations avec les investisseurs étrangers. La stratégie gagnante consisterait donc pour le SDF de signer une alliance consistant à laisser Biya gagner les élections afin d’obtenir de lui la mise en place de toutes les dispositions constitutionnelles d’une part et d’autre part de participer à un accord de gouvernement qui leur permettra d’engranger une expérience significative de la gestion des affaires publiques et de pouvoir compétir à armes égales la présidentielle d’après 2011.  Les bénéfices pour le camp présidentiel seraient de bénéficier d’un climat politique apaisé, d’une gouvernance meilleure, toutes choses qui permettraient de mener à bon port la politique des grandes ambitions. Cette approche ferait également l’économie de toute l’agitation qui accompagne les processus électoraux en Afrique. Une vraie solution à l’Africaine.

Francis Bidjocka.









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