Monday, July 22, 2019

La banque agricole : quelles chances de survie ?

Pour analyser les conditions de réussite de la Cameroon rural financial corproation (Carfic), la toute nouvelle banque agricole que vient de créer le gouvernement, nous avons interrogé Mr LUNGA Dieudonné, un ingénieur agronome spécialisé dans l’étude et le montage des projets agricoles.
 
Le gouvernement vient de créer la CARFIC, quel regard portez-vous sur la pérennité de cette structure ?
La nouvelle Banque agricole court le risque atavique d’être victime de la mauvaise gestion. Un bref aperçu rétrospectif nous permet de constater que le financement du monde rural avait été prévu dans le cadre des plusieurs lignes de financement à l’instar des fonds PPTE, des fonds en provenance de l’union européenne, l’USAID, la BM, etc. Il faut préciser que les montants de ces financements étaient de loin supérieurs à ceux prévus dans le cadre présent. Le bilan de ces financements s’est avéré largement négatif du fait que l’allocation des subventions qui n’était pas objective, l’argent n’étant pas octroyé à ceux qui en avaient le plus besoin. En outre, l’on a relevé que plus de 40% de ces fonds ont été dépensés en frais administratifs (frais de siège, véhicules, frais de mission, etc.).
Cela étant dit, la CARFIC est une bonne initiative en soi, mais le problème va se poser au niveau de l’attribution des crédits qui doivent être différentes de celles des banques classiques, dans la mesure où les acteurs du monde rural n’ont que peu de garanties à offrir. Il faut donc prévoir des mécanismes qui n’exigent pas trop de garanties tout en garantissant permettent un taux de recouvrement acceptable.
 
Quelles sont donc les conditions de la réussite de la CARFIC?
C’est une question de méthodologie. La meilleure approche consisterait premièrement à disposer sur le plan local d’experts compétents capables de monter des projets bancables (études de faisabilité, business plan). Deuxièmement il faut que les banques et les établissements de microfinance où sont logés les comptes des demandeurs soient également pourvus d’experts en capacité d’analyse des projets agricoles.  Troisièmement ce sont les banques commerciales qui vont soumettre les projets à la banque agricole pour validation et financement. Il s’agit donc d’une méthodologie en trois étapes qui implique des consultants et des banquiers compétents avant de soumettre tout projet au financement. De plus il faudra exiger un accompagnement, c’est-à-dire une assistance technique des bénéficiaires par les consultants et sous le contrôle des banquiers chargés du recouvrement.  
 
Existe-t-il à votre sens suffisamment de compétences pour mener à bien ces différentes missions, et sinon comment pourrait-on y remédier ?
A priori, l’on peut répondre par l’affirmative au regard des diplômés en agronomie, finance, montage et suivi des projets qui sont formés dans les différentes institutions universitaires camerounais. Toutefois, pour une meilleure garantie, il conviendrait d’accorder des agréments à des experts ou à des cabinets après les avoir évalués et éventuellement formés (séminaires, stages).
Cette démarche méthodologique ne risque-t-elle pas d’alourdir les coûts pour les agriculteurs ?
Pas nécessairement. Il s’agira déjà pour les agriculteurs de payer des frais d’ouverture du dossier, lesquels seront proportionnelle à la taille du projet. Eventuellement, les honoraires des consultants pourraient être pris en charge par la banque agricole, ce qui lui permettra de réduire la taille de son personnel, ce qui sera une source d’économies.
Entretien réalisé par Francis BIDJOCKA.
Article publié en juin 2011 dans le journal LA SYMBIOSE

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