Monday, January 10, 2011

ET SI YVES MICHEL FOTSO N'ETAIT PAS CONDAMNABLE ?


Confronté à l’échec successif de ses différents managers, le président Biya décidera en juin 2000 d’abattre un nouveau joker en nommant à la tête de la Camair Yves Michel fotso, fils et gérant du groupe d’entreprises appartenant au milliardaire Fotso Victor. En procédant de la sorte, Paul Biya tente le pari de confier à un homme d’affaires la gestion d’une entreprise publique en situation de crise. La suite de ces évènements qui semblaient tenir de la success story va tourner au drame avec à la clé une succession de scandales politico-financiers ayant abouti à l’arrestation de Yves Michel Fotso et à la fragilisation de son groupe qui est un des fleurons de l’économie camerounaise. Comment en est-on arrivé là ?


La frénésie médiatique qui a accompagné l’arrestation de l’ex-directeur général de la défunte CAMAIR n’a eu d’égal que l’émoi ressenti par une grande partie de l’opinion publique. La question consiste à savoir si Yves Michel FOTSO est victime d’une cabale ou s’il est commis des malversations dans le cadre de l’Affaire Albatros. Au-delà des faits sensés l’incriminer ou le disculper, il est loisible de démontrer que cette affaire résulte de la légèreté coupable dont ont fait preuve les responsables au plus haut niveau de l’Etat.

Des termes de références flous.

Qui est YMF.

Au moment de sa nomination, YMF est le PDG du groupe Fosto comportant plusieurs entreprises parmi lesquelles SAFCA, UNALOR, PILCAM et la CBC BANK pour ne citer que celles-là. Il est âgé  de .. ans, marié père de .. enfants. Il est diplômé de l’université de .. aux Etats-Unis. Le profil de l’homme est flatteur, mis ne manque pas cependant de failles. En effet, il n’a travaillé que dans l’entreprise familiale et rien ne peut présumer de sa capacité à s’imposer dans un secteur public où le pouvoir ne se mesure pas en terme d’épaisseur du portefeuille ; d’autre part, il n’a pas une grande expérience ni de la gestion d’entreprise en difficulté ni de la gestion dans le secteur de l’aéronautique. Toutefois il semble avoir au moins autant d’atouts que ses prédécesseurs.

Une mission aux contours mal définis.

Il apparaît selon toute vraisemblance que le chef de l’Etat a voulu voir YMF appliquer les méthodes du privé à la résolution des problèmes d’une entreprise publique destinée à une privatisation certaine, ne serait-ce que dans sa gestion quotidienne. Si l’idée est louable dans le fond, elle est moins pertinente dans la forme. En effet, lorsque l’on confie ce genre de mandat à un privé, il faut lui établir un contrat précisant ses missions et surtout l’étendue de ses pouvoirs. Il aurait fallu préciser dans les termes de référence sa mission, c’est-à-dire le type de procédures qu’il devait appliquer,  concernant notamment les transactions avec les prestataires et fournisseurs (système complexe et réglementé des marchés publics ou systèmes des commandes privées plus simples mais plus partial), les procédures financières directes du privées ou celles du public soumises au visa de l’agent comptable, du contrôleur financier et éventuellement de la tutelle). Plus alarmant encore, il apparaît que personne n’a posé le problème pourtant apparent du conflit d’intérêt, ne serait que de la disponibilité en temps qui risquait de se poser entre ses activités de DG de la CAMAIR et du groupe Fosto dont il restait le manager.

De coupables négligences.

La suite de l’histoire montre que YMF a géré la CAMAIR comme un des démembrements du groupe Fotso, et pour cause, il en était un des financiers pour ne pas dire un des actionnaires puisqu’il siégeait au conseil d’administration. Ces agissements ont été menés de façon publique puisqu’on a eu droit à des explications sur les plateaux de chaîne nationale où l’on a pu voir YMF expliquer comment il utilisait l’argent, le poids et la crédibilité du groupe Fosto pour garantir et cautionner les opérations de la CAMAIR. De plus tous les comptes de la CAMAIR étaient logés à la CBC Bank, les comptables et autres experts du groupe y ayant par ailleurs installés leurs quartiers. Or toutes ces opérations constituent des manquements graves aux procédures et règles de gestion tant du public que du privé et ceci notamment en matière de gestion bancaire (règles de la COBAC).

Cette situation a prospéré tant et si bien que la haute hiérarchie, fort des succès enregistrés par YMF vont décider d’accroître ses missions en lui confiant la maîtrise d’œuvre de l’achat d’un avion pour le compte de la présidence de la république. C’est ainsi que les milliards qui manquait pour la restructuration et la remise à flot de la société vont subitement sortir du tel un lapin dans le chapeau  du prestidigitateur. C’est ainsi que près de 24 milliards de francs CFA  seront transférés par la SNH sur les comptes de la CAMAIR domiciliés à la CBC Bank en acompte pour la fabrication par la société Boeing d’un avion dont le coup total s’élevait à environ 52 milliards de francs CFA.

L’origine des problèmes.

C’est le FMI et la Banque mondiale (toujours les étrangers) qui viendront tirer la sonnette d’alarme. Ces derniers s’opposent à ce que le chef de l’Etat puisse acquérir un avion aussi coûteux alors que le pays est sous ajustement structurel. Ils menacent de bloquer les programmes en cours. La partie camerounaise s’incline officiellement et adopte une stratégie typiquement camerounaise de contournement des règles qui va la conduire à imaginer des solutions abracadabrantesques. Et c’est à YMF que l’on va demander de masquer cette opération en s’abritant  derrière des sociétés écrans. Or qui dit sociétés écrans dit malversations financières, paradis fiscaux, blanchiment d’argent, revenus occultes, etc. A tout cela s’ajoute le jeu des éléphants et autres barons qui se succèdent à la présidence de la république, chacun y allant de son influence, des ses sensibilités et des ses intérêts. Voilà comment la vache malade qu’était la Camair va se voir téter non plus son lait, mais son sang.

Des conséquences politico-financières incalculables

Les conséquences ont été à la mesure de l’échec et du manque d’inspiration qui a caractérisé la nomination de YMF. De toute façon il faut dire qu’en la matière, le chef de l’Etat a souvent eu la main malheureuse en termes de choix des collaborateurs, même s’il en a été autrement dans domaines comme le football. Le premier a en subir les effets a été bien sûr (à tout seigneur tout honneur), Mr Paul BIYA qui a expérimenté une des plus grosses frayeurs de sa vie après avoir risqué d’y périr avec femme et enfants. S’il en a été ainsi pour le bois vert, paraphrasant ici Jésus Christ, qu’en a-t-il été du bois sec ? Eh bien il a été paisiblement ramassé, collecté et mis au feu de la geôle de Kondengui, alimentée périodiquement par un nouvel apport de bois dont YMF n’est pas le dernier. Au-delà du fâcheux incident survenu dans l’albatros, que reproche t-on aux protagonistes de cette affaire et notamment à YMF ?

Des opérations financières douteuses.

Il ressort de toute la complexité de ces dossiers tels qu’ont pu les mettre en les rapports  produits ça et là par des cabinets de consultants recrutés, au vu des investigations et enquêtes menées par la presse ainsi qu’à l’analyse des procédures judiciaires en cours tant au Cameroun qu’en Suisse et aux états unis, que les opérations menées par YMF dans le cadre de la gestion de la camair et de l’achat de l’Albatros ne sont pas au dessus de tout soupçon. Toutefois, il est évident que la manifestation de la vérité dans ce type d’affaire demande beaucoup de temps et d’expertise. Si les faits dont on accuse les autres personnes incarcérées dans la cadre de ce dossier sont moins bien cernées, il n’en reste pas moins vrai son passage à la CAMAIR lui a ouvert les portes de la finance et de la spéculation financière internationale qui a donné une nouvelle dimension à ses activités. L’homme d’affaires ne s’effacera jamais devant sa casquette d’agent public.Moralité : « on ne saurait demander à un loup de veiller sur une bergerie sans qu’il prenne un peu plus d’embonpoint ». Toutefois de nombreux arguments militent en sa faveur.


Pourquoi YMF ne devrait-il pas être condamné.

Premièrement, il n’avait demandé à personne de venir le chercher là où il se trouvait dans le Groupe Fotso, occupé à agrandir l’empire que lui a laissé son père (il faut remarquer qu’entretemps le groupe Afriland l’a quasiment surpassé et que son implantation internationale a été brutalement freinée).

Deuxièmement, on ne lui a pas demandé de se défaire de ses autres responsabilités de dirigeants d’entreprises afin d’éviter les conflits d’intérêts. On ne l’a pas non plus empêché d’utiliser l’argent de son groupe pour financer les opérations de la Camair afin d’éviter les prises illégales d’intérêts, la concussion, etc.
Troisièmement, on lui a confié l’achat de l’avion présidentiel ce qui ne fait pas normalement partie des missions d’une compagnie de transport aérienne fut-elle nationale ? On a jamais sollicité de telles missions quant il s’agit des véhicules présidentiels. C’est aux services de la présidence qu’il appartenait de le faire, selon les lois et règlements relatifs à la commande publique.

Quatrièmement, on lui a demandé de se livrer à des montages financiers occultes pour le compte de la présidence ce qui n’était pas non plus son rôle. C’est aux services secrets de monter des opérations que l’on pourrait classer dans le cadre de la souveraineté nationale. Cela aurait évité d’étaler sur la place publique ce type de dossier qui n’honore pas le Cameroun.

En conclusion, il apparaît donc clairement que c’est au chef de l’Etat et à tous ses collaborateurs concernés qu’il appartient de rendre des comptes et de dire pourquoi ils ont confié à un hommes d’affaires la gestion d’une entreprise publique sensible, sans en définir des termes de références en adéquation avec l’orthodoxie des finances publiques tels qu’enseignée à l’ENAM. Il faudrait aussi expliquer pourquoi lui avoir confié des missions occultes qui ne cadraient pas avec son statut de privé. Cette affaire Albatros traduit simplement un sérieux problème de gouvernance qui affectent tous les pans de notre administration et donnent accès à tous genre d’affairisme. Vivement de la rigueur dans la gestion  de la chose publique.

Francis Bidjocka

Publié dans le journal La Symbiose 

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